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MONTESQUIEU



Très humble remontrance aux inquisiteurs d'Espagne et de Portugal



« Une juive de dix-huit ans, brûlée à Lisbonne au dernier auto-da-fé, donna occasion à ce petit ouvrage ; et je crois que c'est le plus inutile qui ait jamais été écrit. Quand il s'agit de prouver des choses si claires, on est sûr de ne pas convaincre.
« L'auteur déclare que, quoi qu'il soit Juif, il respecte la religion chrétienne, et qu'il l'aime assez pour ôter aux princes qui ne seront pas chrétiens un prétexte plausible pour la persécuter.
« Vous vous plaignez, dit-il aux inquisiteurs, de ce que l'empereur du Japon fait brûler à petit feu tous les chrétiens qui sont dans ses états ; mais il vous répondra : Nous vous traitons, vous qui ne croyez pas comme nous, comme vous traitez vous-même ceux qui ne croient pas comme vous : vous ne pouvez vous plaindre que de votre faiblesse, qui vous empêche de nous exterminer, et qui fait que nous vous exterminons.
« Mais il faut avouer que vous êtes bien plus cruels que cet empereur. Vous nous faites mourir, nous qui ne croyons que ce que vous croyez, parce que nous ne croyons pas tout ce que vous croyez. Nous suivons une religion que vous savez vous-même avoir été autrefois chérie de Dieu : nous pensons que Dieu l'aime encore, et vous pensez qu'il ne l'aime plus ; et parce que vous jugez ainsi, vous faites passer par le fer et par le feux ceux qui sont dans cette erreur si pardonnable, de croire que Dieu aime encore ce qu'il a aimé.
« Si vous êtes cruels à notre égard, vous l'êtes bien plus à l'égard de nos enfants ; vous les faires brûler, parce qu'ils suivent les inspirations que leur ont données ceux que la loi naturelle et les lois de tous les peuples leur apprennent à respecter comme des dieux.
« Vous vous privez de l'avantage que vous a donné sur les mahométans la manière dont leur religion s'est établie. Quand ils se vantent du nombre de leurs fidèles, vous leur dites que la force les leur a acquis, et qu'ils ont établi, leur religion par le fer ; pourquoi établissez-vous la vôtre par le feu ?
« Quand vous voulez nous faire venir à vous, nous vous objectons une source dont vous vous faites gloire de descendre ? Vous nous répondez que votre religion est nouvelle, mais qu'elle est divine ; et vous le prouvez parce qu'elle s'est accrue par la persécution des païens et par le sang de vos martyrs ; mais aujourd'hui vous prenez le rôle des Dioclétiens et vous nous faites prendre le vôtre.
« Nous vous conjurons, non par le Dieu puissant que nous servons, vous et nous, mais par le Christ que vous nous dites avoir pris la condition humaine pour vous proposer des exemples que vous puissiez suivre ; nous vous conjurons d'agir avec nous comme il agirait lui-même s'il était encore sur la terre. Vous voulez que nous soyons chrétiens et vous ne voulez pas l'être.
« Mais si vous ne voulez pas être chrétiens, soyez au moins des hommes : traitez-nous comme vous feriez, si, n'ayant que ces faibles lueurs de justice que la nature vous donne, vous n'aviez point une religion pour vous conduire, et une révélation pour vous éclairer.
« Si le Ciel vous a assez aimés pour vous faire voir la vérité, il vous a fait une grande grâce ; mais est-ce aux enfants qui ont eu l'héritage de leur père, de haïr ceux qui ne l'ont pas eu ?
« Que si vous avez cette vérité, ne nous la cachez pas par la manière dont vous nous la proposez. Le caractère de la vérité, c'est son triomphe sur les cœurs et sur les esprits, et non pas cette impuissance que vous avouez lorsque vous voulez la faire recevoir par des supplices.
« Si vous êtes raisonnables, vous ne devez pas nous faire mourir parce que nous ne voulons pas vous tromper. Si votre Christ est le fils de Dieu, nous espérons qu'il nous récompensera de n'avoir pas voulu profaner ses mystères ; et nous croyons que le Dieu que nous servons, vous et nous, ne nous punira pas de ce que nous avons souffert la mort pour une religion qu'il nous a autrefois donnée, parce que nous croyons qu'il nous l'a encore donnée.
« Vous vivez dans un siècle où la lumière naturelle est plus vive qu'elle n'a jamais été, où la philosophie a éclairé les esprits, où la morale de votre évangile a été plus connue, où les droits respectifs des hommes les uns sur les autres, l'empire qu'une conscience a sur une autre conscience, sont mieux établis. Si donc vous ne revenez pas de vos anciens préjugés, qui, si vous n'y prenez garde, sont vos passions, il faut avouer que vous êtes incorrigibles, incapables de toute lumière et de toute instruction ; et une nation est bien malheureuse, qui donne de l'autorité à des hommes tels que vous.
« Voulez-vous que nous vous disions naïvement notre pensée ? Vous nous regardez plutôt comme vos ennemis que comme les ennemis de votre religion ; car, si vous aimiez votre religion, vous ne la laisseriez pas corrompre par une ignorance grossière.
« Il faut que nous vous avertissions d'une chose : c'est que, si quelqu'un dans la postérité ose jamais dire que dans le siècle où nous vivons, les peuples d'Europe étaient policés, on vous citera pour prouver qu'ils étaient barbares ; et l'idée que l'on aura de vous sera telle, qu'elle flétrira votre siècle, et portera la haine sur tous vos contemporains. »



……………Montesquieu, De l'Esprit des lois, livre XXV, ch. 13 [1].



…… La « Très Humble Remontrance aux inquisiteurs d'Espagne et de Portugal » se situe dans le livre XXV de L'Esprit des lois, qui avec le livre XXIV, examine les rapports des lois avec la religion [2]. Elle fait partie d'un ensemble de chapitres (9 à 15) qui traitent de la politique que l'état doit observer à l'égard de la religion. Cette politique se définit essentiellement par la tolérance : l'état doit tolérer toutes les religions établies et il doit veiller à ce qu'elles se tolèrent entre elles. On peut donc dire que la « Très Humble Remontrance » vient à sa place dans L'Esprit des lois, mais, avec le fameux chapitre « De l'Esclavage des nègres [3]», elle n'en constitue pas moins un texte à part. Dans « De l'Esclavage des nègres », Montesquieu abandonnait un instant le point de vue de l'auteur de L'Esprit des lois, c'est-à-dire celui d'un sociologue avant la lettre et d'un philosophe politique qui cherche à comprendre et expliquer les phénomènes sociaux et politiques plutôt que de les juger, pour condamner sans appel l'esclavage des nègres ; il renonçait un instant au ton relativement neutre que requiert un ouvrage de réflexion, pour adopter celui d'une ironie vengeresse en feignant de se faire le porte-parole des défenseurs de l'esclavage et en leur prêtant des arguments odieux et ridicules. La « Très Humble remontrance » apparaît plus nettement encore comme une interruption de L'Esprit des lois. Ce n'est plus aux lecteurs de L'Esprit des lois que s'adresse ce chapitre, mais aux Inquisiteurs d'Espagne et du Portugal et ce n'est plus l'auteur de L'Esprit des lois, qui s'exprime, mais un juif anonyme.

…… Comme dans le chapitre « De l'Esclavage des nègres », Montesquieu le savant, le juriste le sociologue se tait un instant. C'est l'homme seul qui s'exprime pour de nouveau condamner une pratique plus monstrueuse encore que l'esclavage. Montesquieu, dans les Lettres persanes, avait déjà condamné les crimes de l'Inquisition espagnole et portugaise, mais il l'avait fait avec la légèreté de ton et le détachement ironique propres à son livre et au personnage qui est censé s'exprimer [4]. Dans L'Esprit des lois, au contraire, Montesquieu entend dénoncer les autodafés avec la plus grande vigueur possible et c'est pour cela qu'il prête un instant la parole à un juif. 



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…… Il est difficile de donner un plan précis du texte. Car la progression des arguments, qui s'entremêlent, n'est pas aussi nette, aussi rigoureuse que dans le chapitre « De l'Esclavage des nègres ». Elle n'en est pas moins réelle. Des deux arguments principaux qu'invoque le juif que fait parler Montesquieu, le premier, à savoir que les inquisiteurs persécutent une religion qu'il reconnaissent comme étant la source de la leur, si fort qu'il puisse être, ne l'est pourtant pas autant que le second, à savoir qu'ils agissent à l'encontre du message, un message de pardon et d'amour, de celui-là même qu'ils disent être le fils que Dieu a envoyé sur la terre pour les éclairer et leur indiquer le voie à suivre. Mais, si pour condamner les inquisiteurs, Montesquieu affecte d'abord de se placer du point de vue même de la religion chrétienne, il en vient plus loin à le faire au nom de le seule humanité (« Si vous ne voulez pas être chrétiens, soyez au moins des hommes »). S'il y a donc une évidente progression dans les arguments, il y en a une aussi dans le ton : d'abord proche de la requête, la remontrance prend à la fin la forme d'un vibrant réquisitoire.

…… « Une juive de dix-huit ans, brûlée à Lisbonne au dernier auto-da-fé, donna occasion à ce petit ouvrage ; et je crois que c'est le plus inutile qui ait jamais été écrit. Quand il s'agit de prouver des choses si claires, on est sûr de ne pas convaincre. »
Dans la brièveté de l'énoncé des faits (« Une juive de dix-huit ans, brûlée à Lisbonne au dernier auto-da-fé »), il n'y a pas seulement une volonté de discrétion et de pudeur : il y a un refus absolu d'entrer dans les détails, d'envisager les circonstances, un refus de considérer autre chose que l'horreur de l'événement [5]. C'est qu'il ne s'agit pas de chercher « l'esprit » des auto-da-fés, d'en faire l'historique ou d'en pénétrer la psychologie. Il n'y a rien à comprendre. Le seul énoncé du fait suffit à le condamner. Point n'est besoin, pour ce faire de faire appel à l'histoire, d'invoquer des principes ou de s'appuyer sur l'autorité de qui que ce soit.
Si donc Montesquieu parle de ce texte comme d'un « ouvrage », c'est qu'il est bien plus, à ses yeux qu'un simple chapitre de L'Esprit des lois. Il se suffit à lui-même et peut se lire à part, comme le chapitre « De l'esclavage des nègres ». Et si cet ouvrage est « petit », c'est que, quand il s'agit de condamner des pratiques aussi inhumaines, des crimes aussi odieux, il n'est pas nécessaire d'écrire un gros livre. Tout peut être dit en une page ou deux, voire en quelques lignes et c'est ce que Montesquieu va faire. Il va dire tout ce qu'il y a à dire, mais, il le sait, tout ce qu'il peut dire ne sert à rien. On ne peut pas expliquer à quelqu'un qui ne le comprend pas tout seul pourquoi on ne doit pas brûler une jeune fille de dix-huit ans pour la seule raison qu'elle est juive. On ne peut pas raisonner avec des croyants[6], à plus forte raison avec des fanatiques. Montesquieu le leur dira tout à la fin du texte, mais il en est bien conscient dès le début : ceux à qui il s'adresse sont « incorrigibles, incapables de toute lumière et de toute instruction ».

…… « L'auteur déclare que, quoi qu'il soit Juif, il respecte la religion chrétienne, et qu'il l'aime assez pour ôter aux princes qui ne seront pas chrétiens un prétexte plausible pour la persécuter. »
Cette déclaration préliminaire nous apprend que Montesquieu a choisi de prêter la parole à un juif, c'est-à-dire à un coreligionnaire de la victime, à un homme donc qui, comme elle, pourrait avoir à subir les foudres de l'Inquisition. Et elle constitue déjà une amorce de la remontrance. L'auteur commence par déclarer, en effet, que, bien que juif, il « respecte la religion chrétienne ». Il donne ainsi aux inquisiteurs une première leçon de tolérance. Dès le début, il parle donc comme un philosophe et se montre en plein accord avec l'auteur de L'Esprit des lois pour qui, en matière de religions, le premier souci du législateur doit être d'obtenir qu'elles se tolèrent les unes les autres [7]. Il ne dit pas seulement qu'il « respecte » la religion chrétienne, mais aussi qu'il l' « aime ». Il n'explique pas pourquoi, mais c'est évidemment à cause des liens très profonds qui unissent les deux religions, c'est parce que la religion chrétienne adore le même dieu que la religion juive, même si elle lui attribue un fils, Jésus, et une éminence grise, le Saint Esprit, c'est parce qu'elle reconnaît le même livre sacré, l'Ancien Testament, même si elle lui adjoint un complément indispensable, le Nouveau Testament, et qu'elle vénère les mêmes saints personnages, Abraham Isaac, Jacob, Moïse et tous les prophètes, même s'ils n'ont fait, selon elle, qu'annoncer et préparer la venue du seul Sauveur, le Christ.
Mais le fait qu'il aime la religion chrétienne ne saurait l'empêcher de condamner les inquisiteurs. Il constitue, bien au contraire, une raison de plus de le faire. Pour mieux les convaincre, le juif entend, en effet, se placer de leur point de vue. Il prétend donc vouloir se placer d'abord du point de vue de l'intérêt même de la religion chrétienne en affirmant qu'il veut « ôter aux princes qui ne seront pas chrétiens un prétexte plausible pour la persécuter». En persécutant les juifs à cause de leur religion, les chrétiens s'exposent à être eux-mêmes persécutés par ceux qui ne pratiquent pas la religion chrétienne, sans qu'ils puissent s'en plaindre, puisqu'ils leur fournissent une raison « plausible » de le faire. La maxime « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse », qui est généralement considérée comme la « règle d'or » de la morale, pourrait, en effet, inciter certains à en conclure que l'on peut faire à autrui ce qu'il fait lui-même aux autres, et d'abord ce qu'il vous fait à vous-même. Mais le juif n'entend pas évidemment pas justifier ceux qui se livreraient à de telles représailles contres les chrétiens. Rien ne légitime que l'on persécute, pas même le fait d'être soi-même persécuté. On a certes ! le droit de se défendre contre le crime et de le châtier si on le peut, mais on ne peut se livrer à des violences contre autrui sous le seul prétexte qu'il en commet lui-même. Un « prétexte plausible » n'en est pas moins qu'un « prétexte », c'est-à-dire une mauvaise raison. Cette position, c'est celle de Montesquieu lui-même lorsqu'il écrit à propos de la torture : « J'allais dire qu'elle pourrait convenir dans les gouvernements despotiques, où tout ce qui inspire la crainte entre plus dans les ressorts du gouvernement ; j'allais dire que les esclaves chez les grecs et chez les romains… Mais j'entends la voix de la nature qui crie contre moi [8]».

…… « Vous vous plaignez, dit-il aux inquisiteurs, de ce que l'empereur du Japon fait brûler à petit feu tous les chrétiens qui sont dans ses états.»
Ici commence la remontrance proprement dite. Le premier argument du juif se situe dans le prolongement de la déclaration liminaire. Il affecte de vouloir d'abord défendre la religion chrétienne. En bon polémiste, il se place du point de vue de l'adversaire et commence par enregistrer ses plaintes. Il reconnaît donc que les chrétiens sont eux-mêmes les victimes de persécutions et tout particulièrement au Japon [9] où l'on « fait brûler à petit feu tous les chrétiens ». En faisant brûler les juifs, les inquisiteurs fournissent aux japonais « un prétexte plausible » pour faire brûler les chrétiens. Derrière le léger humour de l'expression (« à petit feu »), on peut voir le reflet d'une certaine vision conventionnelle de l'âme orientale qui, même dans les actions les plus violentes, ne se départirait jamais d'une certaine nonchalance. Mais, bien plus que la nonchalance, c'est la parfaite sérénité de l'empereur du Japon que traduit cette expression. Cette action lui paraît la plus naturelle et la plus légitime du monde et il se sent pleinement justifié.
La réponse que lui prête le juif traduit fort bien cette bonne conscience : « Nous vous traitons, vous qui ne croyez pas comme nous, comme vous traitez vous-même ceux qui ne croient pas comme vous : vous ne pouvez vous plaindre que de votre faiblesse, qui vous empêche de nous exterminer, et qui fait que nous vous exterminons ». La totale tranquillité d'esprit de l'empereur, l'absolue certitude qu'il a d'être dans son bon droit se traduisent par la parfaite symétrie de la phrase (« Nous vous traitons/comme vous traitez ; vous qui ne croyez pas comme nous/ceux qui ne croient pas comme vous »). À partir du moment où les chrétiens ont recours à la force contre ceux qui ne partagent pas leurs croyances, ils doivent accepter que ceux-ci l'emploient aussi contre eux. Ils ne peuvent se plaindre que de leur faiblesse et s'en prendre qu'à eux-mêmes, si celle-ci les condamne à subir des autres ce qu'ils voudraient leur faire subir.

…… « Mais il faut avouer que vous êtes bien plus cruels que cet empereur. Vous nous faites mourir, nous qui ne croyons que ce que vous croyez, parce que nous ne croyons pas tout ce que vous croyez. »
Le deuxième argument renchérit sur le premier. Les chrétiens se montrent encore plus cruels envers les juifs que les japonais ne le sont envers eux. Car les japonais qui brûlent les chrétiens font mourir des gens dont les croyances sont totalement étrangères aux leurs. Mais il en va tout autrement des chrétiens qui brûlent les juifs. Ceux-ci, aux yeux des chrétiens, ne sont pas des idolâtres, puisqu'ils n'adorent que le vrai Dieu. Ils ne sont pas à proprement parler dans l'erreur puisqu'ils ne croient que ce que croient les chrétiens. Ceux-ci ne peuvent leur reprocher que de ne pas vouloir reconnaître toute la vérité, puisqu'ils ne croient pas tout ce qu'ils croient eux, puisqu'ils ne prennent en compte que la première édition du livre qui renferme la parole de Dieu et refusent d'agréer la seconde et tous ses ajouts.
Mais si les juifs se trompent en s'en tenant à l'Ancien Testament, du moins ont-ils de bonnes excuses : « Nous suivons une religion que vous savez vous-même avoir été autrefois chérie de Dieu : nous pensons que Dieu l'aime encore, et vous pensez qu'il ne l'aime plus ; et parce que vous jugez ainsi, vous faites passer par le fer et par le feu ceux qui sont dans cette erreur si pardonnable, de croire que Dieu aime encore ce qu'il a aimé ». Non seulement les chrétiens admettent que les juifs ne croient rien qu'ils ne croient eux-mêmes, que leur seul tort est donc de ne reconnaître qu'une partie de la vérité mais ils conviennent que la religion des juifs a « été autrefois chérie de Dieu » et qu'elle a longtemps constitué la seule vérité. L' « erreur », des juifs si erreur il y a, semble par conséquent très « pardonnable » tant intellectuellement qu'humainement. Elle l'est intellectuellement : penser que Dieu n'aime plus une religion qu'il a autrefois aimée revient à lui prêter une inconséquence, une inconstance, une incohérence qui ne s'accordent guère avec l'idée que l'on se fait d'ordinaire de sa sagesse. Mais le juif se garde bien de développer ce point, car ce n'est pas le moment de heurter de front les inquisiteurs en engageant un débat théologique avec eux. Montesquieu n'en a pas moins cru nécessaire de prendre ici ses distances avec le juif et d'affirmer son orthodoxie en mettant une note : « C'est la source de l'aveuglement des juifs, de ne pas sentir que l'économie de l'évangile est dans l'ordre des desseins de Dieu, et qu'ainsi elle est une suite de son immutabilité même 
Très pardonnable sur le plan intellectuel, l'erreur ne l'est pas moins humainement puisqu'elle consiste à prêter à Dieu des sentiments de bienveillance et à avoir confiance en sa bonté. Ce qui n'est pas pardonnable, en revanche, c'est de lui prêter des sentiments des haine et de vouloir se faire son vengeur, en faisant « passer par le feu et par le feu » ceux qu'il aurait, pense-t-on, cessé d'aimer. C'est là une idée chère à Montesquieu : même si l'on pense que Dieu a de bonnes raisons de vouloir se venger, il faut lui laisser le soin de le faire lui-même [10].

…… « Si vous êtes cruels à notre égard, vous l'êtes bien plus à l'égard de nos enfants ; vous les faires brûler, parce qu'ils suivent les inspirations que leur ont données ceux que la loi naturelle et les lois de tous les peuples leur apprennent à respecter comme des dieux ».
L'auteur fait ensuite valoir que les inquisiteurs se comportent d'une manière encore plus odieuse lorsqu'ils s'en prennent non pas à des adultes, mais à des enfants qui, en suivant la religion de leurs parents, ne font qu'obéir au premier de tous les sentiments naturels et à un sentiment universellement répandu, le respect filial. Ce sentiment, le juif le présente à dessein comme étant aussi le premier sentiment religieux (« comme des dieux »). Les inquisiteurs punissent donc un sentiment qu'ils devraient, plus que tout autre, approuver et encourager. Sous prétexte de défendre la religion, ils persécutent donc ce qu'on peut considérer comme le premier modèle de toutes les religions [11].

…… « Vous vous privez de l'avantage que vous a donné sur les mahométans la manière dont leur religion s'est établie. Quand ils se vantent du nombre de leurs fidèles, vous leur dites que la force les leur a acquis, et qu'ils ont établi, leur religion par le fer ; pourquoi établissez-vous la vôtre par le feu ? »
Comme il le faisait en évoquant les persécutions que l'empereur du Japon faisait subir aux chrétiens, le juif retourne contre les inquisiteurs un argument souvent employé par les chrétiens. Pas plus qu'ils ne peuvent se plaindre de leur faiblesse lorsqu'ils sont persécutés puisqu'ils persécutent eux-mêmes les adeptes des autres religions, ils ne peuvent reprocher à celles-ci de s'être étendues par la force. Il est exact que la propagation du christianisme ne s'est pas opérée par la conquête militaire, comme ce fut le cas pour l'islam, ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que parfois elle ne se soit pas accompagnée de violences. Et, bien sûr les chrétiens n'ont pas manqué de dénoncer les origines guerrières de la religion musulmane, « cette religion monstrueuse, dit Bossuet, qui se dément elle-même, pour toute raison a son ignorance, pour toute persuasion sa violence et sa tyrannie, pour tout miracle ses armes, armes redoutables et victorieuses, qui font trembler le monde, et rétablissent par force l'empire de Satan dans tout l'univers [12]».

…… « Quand vous voulez nous faire venir à vous, nous vous objectons une source dont vous vous faites gloire de descendre ? Vous nous répondez que votre religion est nouvelle, mais qu'elle est divine ; et vous le prouvez parce qu'elle s'est accrue par la persécution des païens et par le sang de vos martyrs ; mais aujourd'hui vous prenez le rôle des Dioclétiens et vous nous faites prendre le vôtre ».
Le juif évoque de nouveau l'antériorité de la religion juive dont la religion chrétienne se flatte d'être l'héritière. Les chrétiens sont donc bien obligés de reconnaître que leur religion est « nouvelle ». À dessein le juif évite de nouveau d'insister sur le redoutable problème que soulève un tel aveu pour évoquer une des réponses que les chrétiens prétendent lui apporter. Ils se plaisent, en effet, à dire que le courage avec lequel les premiers chrétiens ont affronté le martyr a prouvé qu'ils servaient bien le vrai dieu et en a convaincu beaucoup de ceux qui avaient assisté à leur supplice, citant volontiers la fameuse formule empruntée à Tertullien : « sanguis martyrorum semen christianorum [13]». Le juif semble reconnaître la validité de cet argument (« vous le prouvez »). On peut s'en étonner, car un juif croyant ne peut pas sans contradiction penser que la religion chrétienne est « divine ». Il devrait logiquement se contenter de dire seulement dire « vous entendez le prouver ». Quoi qu'il en soit, c'est une concession empoisonnée. Car, en persécutant les juifs, les chrétiens ne s'ôtent pas seulement le droit de se plaindre d'être eux-mêmes persécutés et de reprocher aux autres religions de vouloir s'imposer par la force ; ils ne s'ôtent pas seulement le droit de prétendre tirer argument des violences qu'ils ont eu subies pour affirmer que leur religion est bien divine : en faisant des juifs des martyrs, ils s'emploient, si leur argument est fondé, à prouver eux-mêmes la vérité de la religion qu'ils veulent détruire.

…… « Nous vous conjurons, non par le Dieu puissant que nous servons, vous et nous, mais par le Christ que vous nous dites avoir pris la condition humaine pour vous proposer des exemples que vous puissiez suivre ».
Avec cet argument, le ton se fait plus pressant, plus impatient (« Nous vous conjurons »). On sent monter la colère et l'indignation qui éclateront à la fin du texte. L'auteur manifeste toujours la même volonté de se placer non pas du point de vue des juifs, ni même d'un même point de vue commun aux juifs et au chrétiens, mais du seul point de vue chrétien. C'est pourquoi il invoque non pas le dieu de l'Ancien Testament qui est commun aux juifs et aux chrétiens, mais le seul Christ qui n'est un dieu que pour les chrétiens.
Mais, s'il invoque le Christ plutôt que le dieu de l'Ancien Testament, c'est aussi parce que celui-ci est un dieu « puissant » et qu'il lui est souvent arrivé d'abuser de sa puissance. Même s'il préfère sans doute éviter de se souvenir de tous les crimes que son dieu a commis ou ordonnés [14], le juif se rend tout de même bien compte que, si l'on veut prêcher la tolérance et l'humanité, Jéhovah n'est sans doute pas le meilleur modèle à proposer. Le Christ, lui, est un dieu qui non seulement a renoncé à toute puissance, qui, non seulement n'a lui-même commis ni commandé aucun crime, mais qui a empêché la lapidation de la femme adultère, qui a prêché le pardon et l'amour.
Les chrétiens sont d'autant plus inexcusables de ne pas suivre les leçons de leur dieu, que celui-ci a « pris la condition humaine » et s'est donné la peine de descendre sur la terre pour leur montrer lui-même ce qu'ils devaient faire. Or ils font tout le contraire.

…… « Nous vous conjurons d'agir avec nous comme il agirait lui-même s'il était encore sur la terre. Vous voulez que nous soyons chrétiens et vous ne voulez pas l'être ».
On assiste donc à un étrange et total renversement de situation puisque les juifs, puisque ceux-là mêmes que les chrétiens veulent à tout prix convertir, sont amenés à les supplier de commencer par se conformer eux-mêmes aux préceptes de leur religion et de bien vouloir prendre modèle sur le dieu qu'ils vénèrent. Avant d'exhorter les juifs à devenir chrétiens, les inquisiteurs devraient d'abord commencer par se montrer chrétiens eux-mêmes.

…… « Mais si vous ne voulez pas être chrétiens, soyez au moins des hommes : traitez-nous comme vous feriez, si, n'ayant que ces faibles lueurs de justice que la nature vous donne, vous n'aviez point une religion pour vous conduire, et une révélation pour vous éclairer »?
Avec le paragraphe précédent, l'auteur était passé à l'exhortation directe (« nous vous conjurons »). Il en vient maintenant à l'impératif. Il se fait ainsi encore plus pressant, car ce qu'il leur demande, ce qu'il exige d'eux maintenant, c'est le strict minimum (« au moins ») ; c'est ce qu'on peut demander à tout homme, c'est ce qu'on peut exiger de tout homme. Non sans ironie, il se dit prêt à les autoriser à ne pas être chrétiens (« si vous ne voulez pas être chrétiens »). Après tout, c'est leur affaire, mais cela ne les dispense aucunement d'être des hommes. On peut se libérer des obligations de la religion sans pour autant s'affranchir des règles universelles de la morale, comme Montesquieu le fait dire à Usbek : « Ainsi, quand il n'y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la Justice ; c'est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet être dont nous avons une si belle idée, et qui, s'il existait, serait nécessairement juste. Libres que nous serions du joug de la Religion, nous ne devrions pas l'être de celui de l'équité [15]».
L'auteur oppose avec beaucoup de force et une ironie mordante les « faibles lueurs de justice que la nature nous donne » aux lumières prétendument surnaturelles de la révélation chrétienne. Si ces lumières surnaturelles éblouissent à ce point les chrétiens qu'ils ne sont plus capables de percevoir la simple et pâle lumière de la morale naturelle, ils feraient beaucoup mieux de renoncer à celles-là pour s'en tenir à celle-ci.

…… « Si le Ciel vous a assez aimés pour vous faire voir la vérité, il vous a fait une grande grâce ; mais est-ce aux enfants qui ont eu l'héritage de leur père, de haïr ceux qui ne l'ont pas eu ? »
Bien qu'il soit apparemment fort peu disposé à le croire, l'auteur accepte ensuite d'envisager un moment l'hypothèse selon laquelle que Dieu aurait effectivement choisi les chrétiens pour leur révéler la vérité. Mais c'est pour en conclure aussitôt les chrétiens devraient alors considérer que Dieu leur a fait une « grande grâce », et qu'ils sont des privilégiés. En conséquence, loin d'éprouver de l'hostilité ou de la haine envers ceux qui n'ont pas bénéficié des mêmes faveurs de Dieu, ils devraient faire preuve à leur égard de la plus grande compassion et les traiter toujours avec beaucoup de générosité. On peut comprendre que les enfants privés d'héritage puissent à être portés à haïr ceux qui ont hérité. Mais l'inverse est incompréhensible et tout à fait révoltant.

…… « Que si vous avez cette vérité, ne nous la cachez pas par la manière dont vous nous la proposez. Le caractère de la vérité, c'est son triomphe sur les cœurs et sur les esprits, et non pas cette impuissance que vous avouez lorsque vous voulez la faire recevoir par des supplices ».
L'auteur continue à se placer dans l'hypothèse où les chrétiens détiendraient bien la vérité, mais c'est pour s'étonner de la manière dont ils la proposent. Les moyens qu'ils emploient pour ce faire semblent, en effet, plus propres, à rebuter qu'à séduire et bien propres, au contraire, à faire douter qu'ils puissent effectivement posséder la vérité. Car, si c'était le cas, il devrait leur suffire de la dévoiler pour gagner les cœurs et convaincre les esprits. La vérité doit s'imposer par elle-même, et le fait d'avoir recours à la violence pour essayer persuader de faire partager ses croyances revient à reconnaître qu'elles ne sont pas fondées. Les inquisiteurs veulent contraindre par des supplices les juifs à avouer qu'ils sont dans l'erreur et ce sont eux qui, en ce faisant, avouent qu'ils n'ont pas la vérité.

…… « Si vous êtes raisonnables, vous ne devez pas nous faire mourir parce que nous ne voulons pas vous tromper. Si votre Christ est le fils de Dieu, nous espérons qu'il nous récompensera de n'avoir pas voulu profaner ses mystères ; et nous croyons que le Dieu que nous servons, vous et nous, ne nous punira pas de ce que nous avons souffert la mort pour une religion qu'il nous a autrefois donnée, parce que nous croyons qu'il nous l'a encore donnée ».
En faisant mourir les juifs qui refusent d'abjurer leur religion, alors qu'ils épargnent ceux qui feignent de se convertir, les inquisiteurs agissent de plus contre toute équité et contre toute raison. Car ils agissent ainsi d'une manière aussi illogique qu'injuste. D ans le chapitre 16 du livre VI, Montesquieu a insisté sur le fait que les peines devaient toujours être soigneusement proportionnées aux crimes. Il a déploré notamment qu'en France on punisse aussi sévèrement ceux qui volent sans assassiner que ceux qui volent et qui assassinent [16]. Mais l'illogisme et l'injustice des inquisiteurs sont encore beaucoup plus grands. Ils font brûler les juifs qui refusent de se convertir, et ils épargnent ceux qui feignent de le faire, c'est-à-dire ceux qu'ils devraient considérer comme bien plus coupables encore puisqu'à l'incroyance ils ajoutent le sacrilège. Ils mettent à morts ceux des juifs qui font preuve de respect envers la religion chrétienne en refusant de faire semblant de la professer, alors que ceux qui la profanent en jouant la comédie ont la vie sauve. Les inquisiteurs donnent ainsi des gages au mensonge et à l'hypocrisie [17].

…… « Vous vivez dans un siècle où la lumière naturelle est plus vive qu'elle n'a jamais été, où la philosophie a éclairé les esprits, où la morale de votre évangile a été plus connue, où les droits respectifs des hommes les uns sur les autres, l'empire qu'une conscience a sur une autre conscience, sont mieux établis ».
On approche de la fin du texte et l'on sent que l'auteur a de plus en plus de peine à contenir sa colère. La voix se fait plus vibrante. Avec ses quatre propositions relatives dont la dernière est aussi longue que les trois premières ensemble, la phrase devient plus ample et plus éloquente. L'auteur souligne avec force le fait que les pratiques auxquelles se livrent les inquisiteurs apparaissent d'autant plus inexcusables, d'autant plus insupportables, d'autant plus barbares qu'ils vivent à une époque où les mœurs et les idées ont profondément évolué [18]. Même s'il arrive à Montesquieu de déplorer, lorsqu'il évoque la Grèce antique,« la lie et la corruption de nos temps modernes [19]» il n'en pense pas moins, comme les autres philosophes à l'exception de Rousseau, que son siècle peut se flatter de grandes avancées vers plus de tolérance, de liberté et d'humanité. Traitant du « droit de conquête », au chapitre 3 du livre X, après avoir rappelé que les Romains exterminaient les populations des pays conquis, il écrit notamment : « sur quoi je laisse à juger à quel point nous sommes devenus meilleurs. Il faut rendre ici hommage à nos temps modernes, à la raison présente, à la religion d'aujourd'hui, à notre philosophie, à nos mœurs [20]».

…… « Si donc vous ne revenez pas de vos anciens préjugés, qui, si vous n'y prenez garde, sont vos passions, il faut avouer que vous êtes incorrigibles, incapables de toute lumière et de toute instruction ; et une nation est bien malheureuse, qui donne de l'autorité à des hommes tels que vous ».
Pour l'auteur, qui s'exprime de plus en plus en « philosophe », si les inquisiteurs restent à l'écart du progrès des lumières, c'est parce qu'ils restent prisonniers de leurs « préjugés » et, s'ils n'arrivent pas à se libérer de ceux-ci, c'est parce qu'ils sont esclaves de leurs passions. Ils prétendent obéir à des mobiles très élevés et purement religieux, alors qu'ils obéissent aux sentiments humains les plus bas et les plus détestables. Rien d'étonnant donc s'ils sont imperméables à tout raisonnement. L'auteur avait déclaré dès le début qu'il était « sûr de ne pas convaincre ». Il a cru devoir, malgré tout, essayer de tout faire pour amener les inquisiteurs à prendre conscience de la monstruosité de leurs actes, en utilisant les arguments qui semblaient être les plus propres à les toucher, rappelant notamment les liens très profonds de la religion chrétienne avec la religion juive. Mais en essayant désespérément de convaincre les inquisiteurs, l'auteur a seulement réussi à achever de se convaincre lui-même qu'il était impossible de les convaincre. Ses arguments étaient, en effet, d'une telle force, d'une telle évidence qu'il n'aurait jamais dû avoir à les formuler. Ils auraient dû s'imposer d'eux-mêmes aux inquisiteurs, s'ils avaient été, si peu que ce fût, capables de réfléchir. L'auteur le savait déjà, mais il en est maintenant plus convaincu que jamais : les meilleurs arguments ne peuvent rien contre le fanatisme.

…… « Voulez-vous que nous vous disions naïvement notre pensée ? Vous nous regardez plutôt comme vos ennemis que comme les ennemis de votre religion ; car, si vous aimiez votre religion, vous ne la laisseriez pas corrompre par une ignorance grossière ».
L'auteur est maintenant pleinement conscient d'avoir totalement échoué dans ses efforts. Il a exposé un certain nombreux d'arguments pour montrer faire comprendre aux inquisiteurs qu'ils agissaient à l'encontre des intérêts de leur religion, à l'encontre des enseignements et des exemples de celui-là même qu'ils considèrent comme le fils de Dieu et le modèle suprême. Mais, pour que ces arguments puissent toucher ébranler les inquisiteurs, encore faut-il qu'ils aiment vraiment leur religion et soient vraiment soucieux de la défendre. Or l'auteur, qui renonce à continuer à tourner autour du pot pour dire « naïvement » ce qu'il pense, est convaincu qu'en réalité, les inquisiteurs ne sont pas mus par l'amour de leur religion, mais par la haine des autres, et qu'il aurait pu commencer par là et s'en tenir là.
En disant que, s'ils aimaient vraiment leur religion les inquisiteurs ne commettraient pas les crimes odieux qu'il leur reproche, l'auteur entend ainsi exonérer la religion chrétienne de toutes responsabilité dans ces crimes. Mais, s'il n'était pas lui-même croyant et adepte d'une religion dont le dieu a lui-même un passé chargé, peut-être hésiterait à dissocier les crimes des inquisiteurs de la religion qu'ils pratiquent ; peut-être se dirait-il, au contraire, que, sinon toutes les religions, du moins les religions monothéistes sont naturellement portées à l'intolérance. 

…… « Il faut que nous vous avertissions d'une chose : c'est que, si quelqu'un dans la postérité ose jamais dire que dans le siècle où nous vivons, les peuples d'Europe étaient policés, on vous citera pour prouver qu'ils étaient barbares ; et l'idée que l'on aura de vous sera telle, qu'elle flétrira votre siècle, et portera la haine sur tous vos contemporains. »
L'auteur a définitivement renoncé à persuader les inquisiteurs de mettre un terme à leurs crimes. La remontrance s'était déjà transformée en réquisitoire. Celui-ci laisse maintenant la place à la malédiction. Mais l'auteur, désormais convaincu que les mobiles des inquisiteurs ne sont aucunement religieux, ne les menace pas de la vengeance divine. Il les renvoie, non pas, au jugement de Dieu, mais à celui des hommes ; c'est la postérité qui les condamnera. Ce faisant, il s'exprime en philosophe plutôt qu'en croyant et témoigne de sa confiance dans la poursuite du progrès des idées et des mœurs puisqu'il ne doute pas que la postérité regardera avec tant d'horreur les crimes des inquisiteurs que le siècle des lumières sera considéré comme une époque encore barbare. Mais il est, bien sûr, pleinement conscient du caractère dérisoire de cette menace paraît bien dérisoire. Il sait bien que cette menace restera sans effet sur les inquisiteurs, car, plus que jamais, il est « sûr de ne pas convaincre » .



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…… Sans parler de Voltaire, nombreux sont les auteurs du siècle des lumières à avoir dénoncé les crimes de l'Inquisition. Elle est, écrit Marcelin Defourneaux, « de toutes les institutions espagnoles […] celle qui, aux yeux de l'opinion éclairée, constitue le symbole le plus parfait du "fanatisme" ibérique [21]». Mais c'est Montesquieu qui, dans cette page justement célèbre, les a stigmatisés avec le plus d'éloquence et d'efficacité. Pour ce faire, il a choisi de céder la parole à un représentant de ceux qui en étaient les principales victimes, les juifs, pour s'adresser directement aux Inquisiteurs. Cela lui permet d'abandonner un instant le ton relativement neutre de l'observateur impartial des sociétés, de l'historien des institutions et de l'analyste politique, pour pouvoir laisser vibrer, en feignant de les prêter à un homme plus que tout autre porté à les éprouver, toute sa colère et son indignation, une colère et une indignation, qu'on ne cesse de sentir monter de plus en plus jusqu'à cette espèce de malédiction finale qui traduit un indicible mépris.

…… Si, pour lui donner plus de poids, Montesquieu a voulu mettre sa remontrance dans la bouche d'un juif croyant, il a été amené, pour mieux condamner les inquisiteurs, à le faire parler parfois et de plus en plus comme un philosophe. On peut se demander, en effet, si un juif religieux dirait vraiment tout ce que Montesquieu lui fait dire. Plus on avance dans la lecture du texte et plus on se dit que ce juif lit sans doute plus volontiers Voltaire et Montesquieu, que la Bible et le Talmud. Il ne semble pas loin de penser que, s'agissant des religions, la question la plus importante n'est pas de savoir si elles sont vraies ou non, mais si elles sont ou non nuisibles. Il lui arrive de tenir des propos qu'on attendrait plutôt dans la bouche d'un incroyant ou d'un déiste que dans celle d'un croyant. Ainsi, lorsqu'il oppose ironiquement « les faibles lueurs de justice que la nature nous donne », à la lumière que la révélation est censée apporter aux chrétiens, on peut se demander s'il n'a pas lu l'auteur de la « profession de foi du vicaire savoyard »et de la Lettre à Christophe de Beaumont. Mais l'on s'inquiète encore plus pour la solidité de sa foi lorsqu'il affirme que « le caractère de la vérité, c'est son triomphe sur les cœurs et sur les esprits ». Car cette formule ne condamne pas seulement les chrétiens qui usent de la violence pour essayer d'imposer leurs foi ; elle ne condamne pas seulement les croyants des autres religions qui se livrent aux mêmes excès : elle condamne tous les chrétiens et tous les croyants de quelque religion que ce soit. Comme aucune religion n'a jamais réussi à conquérir tous les esprits et à gagner tous les cœurs on peut en conclure qu'aucune ne possède ou n'a jamais possédé la vérité, comme Renan l'a si bien dit [22].

…… Mais le juif qui est censé s'adresser aux inquisiteurs n'a certainement pas mesuré toute la portée de son propos ni sans doute celui qui le fait parler, Montesquieu lui-même. Il est assez difficile de savoir quelle est la position exacte de Montesquieu vis à vis du catholicisme. On a souvent eu tendance, dès son époque, à le considérer comme un déiste, voire comme un athée ou un impie [23]. Comme le rappelle Laurent Versini [24], la plupart des critiques d'Émile Faguet à René Pomeau, en passant entre autres par Albert Sorel, Georges Ascoli, Gustave Lanson, Roger Caillois, René Étiemble, Robert Shackleton et Jean Ehrard, sont d'accord pour penser que Montesquieu est dénué de tout esprit vraiment religieux.

…… Et il est vrai qu'on peut souvent avoir cette impression en le lisant. Mais, s'il n'est évidemment pas un esprit profondément religieux, il n'en est pas moins resté un chrétien sincère et un catholique fidèle comme l'a démontré Laurent Versini [25]. En tout cas, non seulement la « modeste remontrance » ne rend pas la religion catholique responsable des crimes de l'Inquisition, mais elle affirme que ceux-ci sont tout à fait contraires à ses principes et à son enseignement. Certes, ce n'est pas Montesquieu qui est censé s'exprimer, mais un juif religieux et l'on peut penser qu'en tant que croyant il puisse hésiter à considérer la religion catholique comme directement responsable des crimes de l'Inquisition, ne serait-ce que parce que cela pourrait l'amener à se demander si la religion juive ne pourrait pas être mise en cause, elle aussi, dans la mesure où elle est la mère de la religion chrétienne à qui elle a transmis un livre saint, l'Ancien Testament, qui invite volontiers les fidèles de Yahvé à massacrer ceux qui adorent un autre dieu.

…… On peut pourtant penser que, par la bouche du juif qu'il fait parler, c'est Montesquieu lui-même qui se montre soucieux d'exonérer la religion catholique des crimes de l'Inquisition. Un Voltaire pense, au contraire, non sans raisons, que l'Inquisition est « une invention […] tout à fait chrétienne [26]», que ses crimes se situent dans la continuité de nombreux crimes antérieurs et ne constituent qu'un chapitre, certes particulièrement noir, d'une très longue, d'une trop longue histoire, celle de l'intolérance catholique [27]. Et c'est pourquoi il éprouve une telle détestation pour la religion judéo-chrétienne. Mais Montesquieu ne partage pas cette détestation. Il veut donc croire que les crimes des inquisiteurs ne peuvent être imputés à leur religion, que ce n'est pas leur foi qui les égare, mais seulement leurs « passions ». Les chrétiens, comme le communistes, ont volontiers tendance à considérer que les crimes commis au nom de leur foi ne sauraient lui être imputés. Ils affectent de croire, au contraire, que leurs auteurs ne les auraient pas commis, s'ils en s'étaient pas égarés et écartés de la vraie doctrine. « L'église a été infidèle à elle-même en inventant l'Inquisition [28]», écrit Jean Delumeau, mais si l'on peut bien admettre qu'elle ait effectivement été infidèle à l'enseignement du Christ, même s'il n'est pas très facile de savoir en quoi celui-ci a vraiment consisté, il est beaucoup plus contestable qu'elle se soit montrée infidèle à elle-même. Et Jean Delumeau a lui-même ruiné par avance cette affirmation dans les pages précédentes en citant des textes accablants et en écrivant notamment :« Pendant de longs siècles, on estima, au plus haut niveau, qu'en terre chrétienne, quiconque n'adhérait pas à la Vérité n'avait pas le droit de vivre [29]». On peut donc donner raison à Voltaire contre Montesquieu sur ce point, mais il reste que c'est ce dernier qui a su dénoncer les crimes le l'Inquisition avec le plus de force et d'éloquence.


 

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NOTES :

[1] Montesquieu, Œuvres complètes, bibliothèque de la Pléiade, édition de Roger Caillois, Gallimard, 1951, tome II, pp. 746-749.

[2] Le chapitre XXIV a pour titre « Des lois dans le rapport qu'elles ont avec la religion établie dans chaque pays, considérée dans sa pratique et en elle-même » et le chapitre XXV « Des lois dans le rapport qu'elles ont avec l'établissement de la religion de chaque pays et sa police extérieure ».

[3] Livre XV, ch. 5. J'ai étudié ce texte dans mes Explications littéraires. Deuxième série (SEDES, 1993 ; réédition Eurédit 2005, pp.77-111), ainsi que dans un long article « La bêtise noire de madame Odile Tobner » (Sanglades, nouvelle édition revue et augmentée, Eurédit, 2010, pp. 109-158).

[4] Voir la lettre XXIX : « J'ai ouï dire qu'en Espagne et en Portugal, il y a de certains dervis qui n'entendent point raillerie, et qui font brûler un homme comme de la paille […] Les autres juges présument qu'un accusé est innocent ; ceux-ci le présument toujours coupables[…] Ils font dans leur sentence un petit compliment à ceux qui sont revêtus d'une chemise de soufre, et leur disent qu'ils sont bien fâchés de les voir si mal habillés, qu'ils sont doux, qu'ils abhorrent le sang et sont au désespoir de les avoir condamnés. Mais pour se consoler, ils confisquent tous les biens de ces malheureux à leur profit » (Montesquieu, Œuvres complètes, bibliothèque de la Pléiade, édition de Roger Caillois, Gallimard, 1949, tome I, p. 175). Voir aussi la lettre LXXVIII : « L Inquisition ne fait jamais brûler un Juif sans lui faire des excuses. Les Espagnols qu'on ne brûle pas paraissent si attachés à l'Inquisition qu'i y aurait de la mauvaise humeur de la leur ôter » (ibid, p. 250).

[5] Montesquieu a inventé ce fait. Mais si l'on n'a pas brûlé de juive de dix huit ans à Lisbonne au dix-huitième siècle, on y a brûlé en 1739 le juif Antonio José da Silva, auteur d'un Théâtre comique portugais, appelé aussi Théâtre du juif (voir sur Wikipedia la notice qui lui est consacrée). 

[6] La raison en est que toute croyance est une forme de folie, si banale et répandue qu'elle puisse être. On ne saurait trop recommander sur ce sujet de lecture du livre très remarquable de Nicolas Grimaldi, Une démence ordinaire (PUF, 2009).

[7] Livre XXV, ch. 9, « De la tolérance en fait de religion »: « Lorsque les lois d'un état ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent aussi à se tolérer entre elles. C'est un principe que toute religion qui est réprimée, devient elle-même réprimante : car sitôt que, par quelque hasard, elle peut sortir de l'oppression, elle attaque la religion qui l'a réprimée ; non pas comme une religion, mais comme une tyrannie.
« Il est donc utile que les lois exigent de ces diverses religions, non seulement qu'elles ne troublent pas l'état, mais aussi qu'elles ne se troublent pas entre elles » (op. cit, p. 744).

[8] Livre VI, chapitre 17, « De la torture ou question contre les criminels », op. cit., p. 329.

[9] Voir le chapitre suivant intitulé « Pourquoi le religion chrétienne est si odieuse au Japon » (XXV, 14, p. 749).

[10] Voir livre XII ch. 4, « Que la liberté est favorisée par la nature des peines et de leur proportion »: « Il faut faire honorer la Divinité, et ne la venger jamais. En effet si l'on se conduisait par cette dernière idée, quelle serait la fin des supplices ? Si les lois des hommes ont à venger un être infini, elles se règleront sur son infinité, et non pas sur les faiblesses, sur les ignorances, sur les caprices de la nature humaine » (op. cit., p. 434).

[11] Ce paragraphe reflète l'idée très forte, et, on peut le dire, bien peu libérale, que Montesquieu se fait de l'autorité paternelle.
 Voir Lettres persanes, CXXIX/ « C'est de toutes les puissances celle dont on abuse le moins ; c'est la plus sacrée de toutes les magistratures ; c'est la seule qui ne dépend pas des conventions et qui les a même précédées.
« On remarque, que, dans les pays où l'on met dans les mains paternelles plus de récompenses et de punitions, les familles sont mieux réglées : les pères sont l'image du Créateur de l'Univers qui, quoi qu'il puisse conduire les hommes par son amour, ne laisse pas de se les attacher encore par les motifs de l'espérance et de la crainte ». (op. cit., p. 323). 
 Voir aussi De l'Esprit des lois, livre V, ch. 7, « Autres moyens de favoriser le principe de la démocratie »: « L'autorité paternelle est encore très utile pour maintenir les mœurs. Nous avons déjà dit que, dans une république, il n'y a pas une force si réprimante que dans les autres gouvernements. Il faut donc que les lois cherchent à y suppléer : elles le font par l'autorité paternelle » (op. cit., p. 283) .

[12] Panégyrique de saint Pierre Nolasque, Œuvres oratoires, édition de Ch. Urbain et E. Levesque, revue par J. Lebarq, Desclée de Brouwer, 1930, tome IV, p. 585. Montesquieu se montre lui aussi particulièrement sévère envers l'islam et lui reproche comme Bossuet de ne s'être propagée et de ne régner que par la violence. Voir notamment De l'Esprit des lois, livre XXIV, ch. 4 « Conséquences du caractère de la religion chrétienne et de celui de la religion musulmane »: « Sur le caractère de la religion chrétienne et celui de la mahométane, on doit sans autre examen, embrasser l'une et rejeter l'autre : car il nous est bien plus évident qu'une religion doit adoucir les mœurs des hommes, qu'il ne l'est qu'une religion soit vraie.
« C'est un malheur pour la nature humaine, lorsque la religion est donnée par un conquérant. La religion mahométane, qui ne parle que de glaive, agit encore sur les hommes avec cet esprit destructeur qui l'a fondée » (pp. 717-718).
Pour en savoir plus sur ce que Montesquieu pense de l'islam, on peut lire le remarquable article de Laurent Versini « Montesquieu face au monde musulman : une remise à jour », Les écrivains français et le monde arabe, Travaux de littérature publiés par l'ADIREL, 1910, tome XXIII, pp. 129-141

[13] La formule exacte est « semen est sanguis Christianorum » (Tertullien, Apologétique, L, 13, collection des universités de France, Les Belles-Lettres, 1929, p. 108).

[14] De nombreux et excellents auteurs ont rappelé ces crimes, notamment Pierre Gripari dont on ne saurait trop recommander L'Histoire du méchant Dieu, L'Âge d'Homme, 1988.

[15] Lettres persanes, LXXXIII, op cit., p. 256.

[16] « C'est un grand mal, parmi nous, de faire subir la même peine à celui qui vole sur le grand chemin et à celui qui vole et assassine. Il est visible que, pour la sûreté publique, il faudrait mettre quelque différence dans la peine » (op. cit., p. 328).

[17] Voir livre XXVI, ch. 12 « Continuation du même sujet » (le ch. 11 a pour titre « Qu'il ne faut point régler les tribunaux humains par les maximes des tribunaux qui regardent l'autre vie ») : « C'est un des abus de ce tribunal [l'Inquisition], que, de deux personnes qui sont accusées du même crime, celle qui nie est condamnée à la mort, et celle qui avoue évite le supplice. Ceci est tiré des idées monastiques, où celui qui nie paraît être dans l'impénitence et damné, et celui qui avoue semble être dans le repentir et sauvé. Mais une pareille distinction ne peut concerner les tribunaux humains ; la justice humaine, qui ne voit que les actions, n'a qu'un pacte avec les hommes qui est celui de l'innocence ; la justice divine, qui voit les pensées en a deux, celui de l'innocence et celui du repentir » (op. cit., pp. 761-762.

[18] Voltaire dira la même chose dans l'Essai sur les mœurs : « Il faut encore attribuer à ce tribunal cette profonde ignorance de la saine philosophie où les écoles d'Espagne demeurent plongées, tandis que l'Allemagne, l'Angleterre, la France, l'Italie même, ont découvert tant de vérités et ont élargi la sphère de nos connaissances. Jamais la nature humaine n'est si avilie que quand l'ignorance superstitieuse est armée du pouvoir » (édition de René Pomeau, chapitre CXL, « de l'Inquisition », Paris, Garnier, 1963, tome II, p. 298).

[19] Livre IV, ch. 6, « De quelques institutions des Grecs »: « Cet extraordinaire que l'on voyait dans les institutions de la Grèce ; nous l'avons vu dans la lie et la corruption de nos temps modernes » (op. cit., p. 268).

[20] Op. cit., pp. 378-379.

[21] L'Inquisition espagnole et les livres français au XVIIIe siècle, Paris, P.U.F., 1963, p. 58, cité par Bartolomé Bennassar, L'Inquisition espagnole, XVe-XIXe siècles, « Pluriel », Hachette, 1979 p. 373.

[22] « Si une société, si une philosophie, si une religion eût possédé la vérité absolue, cette société, cette philosophie, cette religion aurait vaincu les autres, et vivrait seule à l'heure qu'il est. Tous ceux qui, jusqu'ici, ont cru avoir raison se sont trompés, nous le voyons clairement. Pouvons-nous, sans folle outrecuidance, croire que l'avenir ne nous jugera pas comme nous jugeons le passé ? » (Souvenirs d'enfance et de jeunesse, le Livre de Poche, 1967, p. 55)

[23] Cf. les Lettres persanes convaincues d'impiété de l'abbé Gaultier, 1731.

[24] « Montesquieu : une spiritualité tridentine », Travaux de Littérature publiés par l'ADIREL, tome XXI, « La Spiritualité des écrivains, » 2008.

[25] Ibidem.

[26] « L'Inquisition est, comme on sait, une invention admirable et tout à fait chrétienne pour rendre le pape et les moines plus puissants, et pour rendre tout un royaume hypocrite » Dictionnaire philosophique, article « Inquisition », édition de Gerhardt Stenger, collection Garnier Flammarion, 2010, p. 346.

[27] De nombreux ouvrages ont fait l'histoire de cette intolérance. Je n'en citerai qu'un, tout à fait exemplaire, celui de mon ami Robert Joly, récemment disparu, L'Intolérance catholique, Origines,, Développement, évolution, Espace de libertés, éditions du Centre d‘Action laïque, deuxième édition, Bruxelles. 1995.

[28] Le christianisme va-t-il mourir ? Hachette, 1977, repris dans Un christianisme pour demain, collection Pluriel, Hachette p. 273.

[29] Ibid., p. 271.

 

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