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………Le Vieux Corbeau et l'Aigle de Meaux.



…… Des peuplades de l'Orénoque n'existent plus; il n'est resté de leur dialecte qu'une douzaine de mots prononcés dans la cime des arbres par des perroquets redevenus libres, comme la grive d'Agrippine gazouillait des mots grecs sur les balustrades des palais romains. Tel sera tôt ou tard le sort de nos jargons modernes, débris du grec et du latin. Quelque corbeau, envolé de la cage du dernier curé franco-gaulois, dira, du haut d'un clocher en ruine, à des peuples étrangers nos successeurs : " Agréez les accents d'une voix qui vous fut connue; vous mettrez fin à tous ces discours ".
…… Soyez donc Bossuet pour qu'en dernier résultat votre chef-d'oeuvre survive, dans la mémoire d'un oiseau, à votre langage et à votre souvenir chez les hommes !
 [1]

Ce court passage des Mémoires d'Outre-Tombe n'est sans doute pas parmi les plus célébres. Mais, si tous ceux à qui l'œuvre de Chateaubriand est un peu familière, ne se souviennent pas forcément de ces lignes, aucun d'eux sans doute n'hésiterait pour savoir à qui les attribuer. Certes on dit trop souvent qu'un grand auteur se retrouve tout entier dans un très court passage, voire dans une seule phrase ou dans seul vers. Assurément propres à impressionner les jobards, de telles formules n'en sont pas moins très imprudentes. Un grand écrivain ne saurait être tout entier dans quelques vers ou dans quelques lignes, et il serait tout à fait abusif de prétendre que le génie de Chateaubriand est tout entier dans ce court extrait. Il n'en est pas moins vrai que ces quelques lignes nous en disent beaucoup sur ses grandes hantises et sur son art. On y retrouve non seulement sa lucidité amère et sa mélancolie foncière, mais aussi son humour et son sens du comique, qui, pour être généralement moins visibles, n'en sont pas moins grands.

La grande hantise de Chateaubriand est évidemment celle de la fuite du temps, celle du vieillissement, celle de la disparition, de l'anéantissement final de toutes choses. Cette hantise que l'on retrouve tout au long des Mémoires d'Outre-Tombe et qui en nourrit si souvent les plus belles pages, constitue, bien sûr, le cœur de ce court passage. En apprenant que des langues indiennes ont disparu, à l'exception de quelques mots auxquels des perroquets assurent encore une survie très éphémère, Chateaubriand se demande aussitôt si le même sort n'attend pas les langues modernes et donc le français. Et pour lui la réponse ne fait pas de doute : cela arrivera « tôt ou tard ».

Or une telle perspective représente le malheur suprême, la calamité des calamités, la catastrophe absolue pour un écrivain qui n'attache à rien autant d'importance qu'à sa survie littéraire, qui écrit les Mémoires d'Outre-Tombe pour que la postérité se souvienne de lui, pour continuer après sa mort à vivre dans la mémoire des hommes. Quand il conclut avec une ironie amère : « Soyez donc Bossuet pour qu'en dernier résultat votre chef-d'œuvre survive, dans la mémoire d'un oiseau, à votre langage et à votre souvenir chez les hommes ! », il pense évidemment à lui et à son propre « chef-d'œuvre »qu'il est en train d'écrire, et il se dit en lui-même : « Soyez donc François-René de Chateaubriand pour qu'un jour il n'y ait plus personne sur la terre pour lire vos Mémoires d'Outre-Tombe ! » Ce jour-là le monument qu'il aura érigé pour assurer sa survie, ne servira plus à rien et François-René « s'ira perdre avec tout le reste dans le grand gouffre du néant ».

Car Chateaubriand a beau se dire et se croire chrétien, il semble compter plus sur son immortalité littéraire que sur son immortalité personnelle dont, au fond de lui, il n'est peut-être pas très sûr. D'ailleurs ce passage lui-même semble bien refléter ses interrogations sur la pérennité de la religion chrétienne, interrogations qu'il avait autrefois clairement exprimées dans l'Essai sur les Révolutions et auxquelles sa conversion ne semble avoir jamais mis un terme, puisqu'on les verra aussi reparaître dans les Études historiques et beaucoup plus explicitement dans des propos que certains rapportaient [2]. Car, si ces « peuples étrangers » qu'imagine Chateaubriand, ignoreront tout de « nos jargons modernes, débris du grec et de latin », ils ignoreront sans doute aussi tout des croyances judéo-chrétiennes. Ils pratiqueront d'autres religions comme ils parleront d'autre langues. Le texte ne le dit pas explicitement, mais tout suggère que ce « dernier curé franco-gaulois »est aussi, dans l'esprit de Chateaubriand, le dernier curé tout court. Si la survie d'une œuvre littéraire est liée à la survie de la langue dans laquelle elle est écrite, la survie d'une religion est liée à la survie de la civilisation dont elle est le produit et l'expression. Et, pour Chateaubriand, la religion chrétienne ne semble pas devoir faire exception à la règle [3].

Mais l'intérêt de ce texte réside moins dans le fait qu'on y retrouve les hantises et les idées de Chateaubriand que dans l'art avec lequel il les met en œuvre. et dans le caractère profondément comique de la petite scène qu'il imagine pour ce faire. Cette scène s'inspire, bien sûr, directement de celle qu'on lui a racontée sur les langues de certaines « peuplades de l'Orénoque », mais il a su la transposer d'une manière particulièrement habile. On peut sans doute s'étonner tout d'abord qu'il ait remplacé les perroquets par un corbeau, puisque les corbeaux sont beaucoup moins aptes que les perroquets à reproduire le langage humain. Mais, s'il l'a fait, c'est évidemment parce que le corbeau est un charognard, ce qui est tout indiqué, puisque les mots qu'il est censé recracher sont des mots morts, dans la mesure où il n'y a plus personne sur la terre pour les comprendre. Ces mots sont, de plus, empruntés à une oraison funèbre.

Et c'est là précisément la grande trouvaille de Chateaubriand. C'est, en effet, sur le choix de la citation que repose d'abord et surtout la réussite de ce passage. Il est difficile d'affirmer que la citation qu'il a choisie était bien la meilleure possible. Mais, quand on essaie d'imaginer quelles autres citations il aurait pu utiliser, on n'en trouve point qui convienne aussi bien. Il aurait pu utiliser, par exemple, le vers orgueilleux de Malherbe « Ce que Malherbe écrit dure éternellement ». Il aurait pu imaginer, sur les ruines d'une maison sise 6, rue de la pie, à Rouen, une corneille poussive répétant les mots d'Auguste : « O siècles, ô mémoire, conservez à jamais ma dernière victoire ! ». On pourrait imaginer bien d'autres solutions, mais elles seraient sans doute, elles aussi, beaucoup moins satisfaisantes que celle de Chateaubriand. Tant pour le choix de l'auteur que pour le choix du passage, il a su, lui, trouver la solution.

Pour l'auteur, il fallait non seulement un grand écrivain, non seulement un écrivain tout à fait consacré, mais un écrivain qui put pleinement incarner le génie de la langue et de la littérature françaises. Pour ce faire, il fallait un écrivain du grand siècle. Un Molière, bien sûr (le français est la langue de Molière), aurait pu faire l'affaire, ou un Corneille, ou un Racine ou un La Fontaine. Mais Chateaubriand leur a préféré Bossuet, et il a eu raison. Bien sûr, ce choix s'explique d'abord par le fait que, sans le dire, il pense à lui-même et s'inquiète du sort que la postérité réserve à ses propres œuvres. Or Bossuet est certainement l'écrivain dont il se sent le plus proche. Il se sent proche de lui d'abord parce que Bossuet est un prosateur, le plus grand prosateur que la littérature française ait connu jusqu'ici, un prosateur qu'il rêve, sinon de surpasser, du moins d'égaler. Il se sent proche de lui aussi parce que sa propre prose, par le goût de l'ampleur, par beaucoup de ses effets préférés de rythme et de sonorités [4], rappelle souvent celle de Bossuet et qu'inversement celle-ci semble parfois annoncer la sienne [5]. Il se sent proche de lui enfn parce qu'il retrouve ou croit souvent retrouver en lui ses propres états d'âme, ses propres hantises, ses propres angoisses [6].

Mais au-delà de cette raison d'ordre personnel, le choix de Bossuet s'imposait parce que, plus que tout autre de nos grands écrivains du siècle classique, il symbolise la solidité, la stabilité, la pérennité, tant par son style que par sa pensée. Jamais prose n'a été plus sûr d'elle-même [7], plus sonore, plus somptueuse, plus solennelle et en même temps plus claire, plus ferme et plus précise. Toujours solidement construites, savamment équilibrées et parfaitement rythmées, les phrases de Bossuet semblent être faites pour défier le temps. Comme le dit Valéry, aucun écrivain « n'est plus sûr de ses mots », alors même que, sauf lorsqu'il nous rappelle que nous sommes mortels, il ne s'en sert le plus souvent que pour énoncer des sornettes. Mais jamais sornettes n'ont été assenées avec autant d'assurance. Plus que tout autre, Bossuet est, suivant la formule de Sainte-Beuve, « l'homme de toutes les autorités et de toutes les stabilités [8]». S'il y a un homme qui est intimement persuadé de détenir et de faire entendre la vérité, la vérité immuable, la vérité éternelle, c'est bien Bossuet, qui ne doute pas d'être, lorsqu'il prêche, le porte-parole de Dieu lui-même [9]. Il était donc particulièrement piquant, pour évoquer le sort dérisoire que la postérité réservait peut-être aux derniers mots de français prononcés sur la terre, de les emprunter à l'aigle de Meaux [10].

Mais la réussite ne tient pas seulement au choix de l'auteur : elle tient aussi au choix du passage. De même que Chateaubriand ne pouvait sans doute pas choisir un meilleur auteur que Bossuet, de même il ne pouvait sans doute pas choisir un meilleur passage que celui qu'il a choisi. La scène qu'imagine Chateaubriand étant censée constituer l'ultime fin de la langue et de la littérature française, il était tout indiqué d'avoir recours à une oraison funèbre. Si Chateaubriand a choisi celle de Condé, c'est d'abord parce qu'elle constitue pour lui le « chef-d'œuvre » de Bossuet [11]. L'on pourrait certes se demander si l'Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre ou le Sermon sur la mort ne mériteraient pas tout autant d'être considérés comme le chef-d'œuvre de Bossuet [12]; il n'en reste pas moins que l'Oraison funèbre de Condé est la plus solennelle, la plus somptueuse de toutes les œuvres oratoires de Bossuet, celle où il a le plus sacrifié à la littérature. Mais elle est aussi et surtout la dernière oraison funèbre de Bossuet, celle à la fin de laquelle, qui plus est, il annonce qu'il renonce définitivement au genre de l'oraison funèbre, parce qu'il fait une trop grand part au profane et au littéraire. Au total, pour une scène qui représente en quelque sorte l'enterrement de la langue et de la littérature française, Chateaubriand ne pouvait sans doute pas mieux faire que de choisir quelques mots tirés de la fin d'une oraison funèbre qui est la dernière, la plus littéraire et, à ses yeux, le chef-d'œuvre de celui qui a été avant lui le plus grand poète en prose de langue française, et dans lesquels il dit pour toujours adieu à la littérature.

Mais il est un peu dommage que Chateaubriand, qui cite de mémoire le fasse un peu inexactement. Au lieu de : « Agréez ces derniers efforts d'une voix qui vous fut connue; vous mettrez fin à tous ces discours », il écrit : « Agréez les accents… ». Certes, il n'est pas très étonnant que Chateaubriand ait changé « efforts » en « accents », car, s'il est assez habituel de parler des « accents » d'une voix, il ne l'est guère de parler de ses « efforts ». En revanche il étonnant qu'il ne se soit pas souvenu de l'adjectifs « derniers », d'abord parce que c'est un mot qu'il affectionne et qui revient très souvent dans les Mémoires d'Outre-Tombe, et ensuite parce que le mot est ici essentiel, puisque Bossuet annonce qu'il renonce désormais à l'oraison funèbre [13]. Et c'est regrettable parce qu'il convenait particulièrement bien dans le contexte que Chateaubriand imagine, la phrase de Bossuet étant censée constituer les derniers mots de français entendus sur la terre.

Ce passage n'est est pas moins remarquable et caractéristique du génie de Chateaubriand qui sait mieux que personne concilier l'extrême gravité et la bouffonnerie. Ce mariage de l'humour et de l'amertune, cet étrange mélange de malice et de mélancolie, cette alliance insolite de la drôlerie et de la désolation ne sont pas rares dans les Mémoires d'Outre-Tombe, mais l'exemple le plus court et le plus réussi en est peut-être celui-ci :

…… « Un jour, me promenant dans une église déserte, j'entendis des pas se traînant sur les dalles, comme ceux d'un vieillard qui cherchait sa tombe. Je regardai et n'aperçus personne; c'était moi qui m'étais révélé à moi [14]».

L'avouerai-je ? Il m'est arrivé plus d'une fois de penser à ce texte de Chateaubriand et de me dire avec amertume qu'un jour il n'y aura plus aucune trace des productions humaines ou plus personne pour les comprendre. Certes l'idée qu'un jour il n'y aura plus personne pour lire les écrits de Roland Barthes, de Georges Molinié ou de tant d'autres grotesques qui ont jeté le ridicule sur notre pauvre espèce, ne saurait me causer aucune peine, même très légère. Et, bien que j'admire fort le génie de Bossuet comme orateur et comme écrivain, l'idée qu'un jour son œuvre disparaîtra complètement, ne me chagrine qu'assez modérément. Mais il en va tout autrement de beaucoup d'autres manifestations du génie humain, au premier rang desquelles je mets les œuvres de Jean-Sébastien Bach. Et, il m'arrive parfois d'imaginer qu'un jour, sur une terre devenue complètement déserte à la suite de quelque cataclysme, la chute d'une pierre sur un magnétophone à piles encore en état de fonctionnement, le mettra en marche et fera retenir pour la dernière fois le chœur final de la Passion selon Saint Matthieu. Mais contrairement à celle qu'imagine Chateaubriand, cette scène ne me paraît pas drôle du tout. Aussi lorsque je me sens en proie à ces sortes de réflexions, je recours systématiquement à la méthode que Pascal condamnait si véhémentement sous le nom de "divertissement" et qui est pourtant la solution la plus raisonnable et la moins indigne : je pense à autre chose. Car il est moins contraire à la dignité de l'homme dont Pascal nous dit qu'elle consiste toute dans la pensée, de penser à autre chose que de se raccrocher, comme il le fait lui, à des sornettes grotesques et de se consoler avec des fariboles rocambolesques.


 

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NOTES :

[1] Livre VII, ch. 10, édition de La Pléiade, tome I, p. 250.

[2] Voir Pierre Moreau, Chateaubriand , Collection "Les Ecrivains devant Dieu", Desclée de Brouwer, 1965, p. 73 : « On citait avec surprise et scandale des propos qu'il tenait dans le monde et que Sismondi rapportait : 'il observait, note celui-ci au sortir d'une conversation, la décadence universelle des religions, tant en Europe qu'en Asie, et il comparait ces systèmes de dissolution à ceux du polythéisme au temps de l'empereur Julien […] Il en concluait la chute absolue des nations d'Europe avec celle des religions qu'elles professent' . » C'est en vain, me semble-t-il, que Pierre Moreau essaie de restreindre la portée de ces propos en ajoutant : « Propos d'apocalypse, mais dont la menace pèse sur l'Europe en décadence, non sur le christianisme immortel destiné à d'autres contients ». Tels qu'ils sont rapportés par Sismondi (« la décadence universelle des religions, tant en Europe qu'en Asie […] la chute absolue des nations d'Europe, avec celle des religions qu'elles professent »), les propos de Chateaubriand me paraissent clairement exclure l'interprétation lénifiante que Pierre Moreau veut en donner.

[3] Peut-être Chateaubriand se dit-il parfois qu'un jour, l'ultime manifestation du christianisme sur la terre verra un vieux papegai à moitié déplumé dire pour la dernière fois, d'une voix criarde et rauque, sur les ruines désertes de la place Saint Pierre : Adnuntio vobis magnum gaudium : habemus papam.

[4] Beaucoup des remarques et des analyses de Jean Mourot dans Le génie d'un style. Chateaubriand, Rythme et sonorités dans les 'Mémoires d'Outre-Tombe' (Armand Colin, 1960), pourraient s'appliquer aux Œuvres oratoires de Bossuet qui appelleraient une étude du même genre.

[5] C'est le cas, par exemple, de cette phrase célèbre du Sermon du mauvais riche : « Ainsi nous allons toujours traînant après nous cette longue chaîne traînante de notre espérance » (Op. cit., tome IV, p. 204), et c'est, bien sûr, aussi le cas des derniers mots si célèbres du passage que Chateaubriand va utiliser, la fin de l'Oraison funèbre de Condé : « les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint ».

[6] Rappelons ces lignes bien connues du Génie du Christianisme : « Sans cesse occupé du tombeau et comme penché sur les gouffres d'une autre vie, Bossuet aime à laisser tomber de sa bouche ces grands mots de temps et de mort, qui retentissent dans les abîmes silencieux de l'éternité. Il se plonge, il se noie dans des tristesses incroyables, dans d'inconcevables douleurs » (éd. cit., tome II, p. 20).

[7] Rappelons l'éclatant éloge que fait Valéry du style de Bossuet dans Variété ("Études littéraires : Bossuet") : « Dans l'ordre des écrivains je ne vois personne au-dessus de Bossuet; nul plus sûr de ses mots, plus fort de ses verbes, plus énergique et plus délié dans tous les actes du discours, plus hardi et plus heureux dans la syntaxe, et en somme, plus maître du langage, c'est-à-dire de soi-même » (Œuvres, édition de la Pléiade, Gallimard, 1968, p. 498).

[8] Article sur l'édition Havet des Pensées, cité par Emmanuelle Tabet ("Chateaubriand et Bossuet orateur", Revue d'Histoire littéraire de la France, 1998, p. 1075). Certes la vision que Chateaubriand a de Bossuet est plus complexe, comme le fait remarquer Emmanuelle Tabet. Il n'en fait pour autant, comme elle le suggère, un homme qui doute. La meilleure preuve en est que le chapitre du Génie du Christianisme "Bossuet orateur", dans lequel Chateaubriand célèbre si éloquemment le génie de Bossuet, est immédiatement suivi du chapitre "Que l'incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie".

[9] Voir en particulier le Sermon sur la parole de Dieu (op. cit., tome III, pp. 618-642) qui développe tout au long une analogie entre l'Eucharistie, qui livre aux fidèles le corps de Dieu et la prédication qui leur délivre sa parole.

[10] On peut s'étonner que Chateaubriand ne se soit pas souvenu en écrivant ces lignes de la périphrase si souvent utilisée pour désigner Bossuet. S'il y avait pensé, il n'aurait sans doute pas manqué d'en tirer parti : « Hé quoi ! les dernies mots du grand aigle de Meaux étaient donc destinés à finir bredouillés par quelque vieux corbeau ! »

[11] Voir Mémoires d'Outre-Tombe, tome I p. 572 : « O Bossuet ! que n'auriez-vous point ajouté au chef-d'œuvre de votre éloquence, si lorsque vous parliez sur le cercueil du grand Condé, vous eussiez pu prévoir l'avenir ! ». Voir aussi la fin du livre XXXVIII : « Ce fut une dernière victoire du grand Condé d'avoir, au bord de sa fosse, recontré Bossuet : l'orateur ranima les eaux muettes de Chantilly; il rembrunit les cheveux sur le front du vainqueur de Rocroi, en disant lui, Bossuet, un immortel adieu à ses cheveux blancs. Vous qui aimez la gloire soignez votre tombeau; couchez-vous y bien; tâchez d'y faire bonne figure, car vous y resterez » (tome II, p. 708).

[12] Chateaubriand lui-même avait d'abord hésité avant de trancher en faveur de l'Oraison funèbre de Condé : « Nous avions cru pendant quelque temps que l'oraison funèbre du prince de Condé à l'exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée; nous pensions qu'il était plus aisé, comme il l'est, en effet, d'arriver aux formes d'éloquence du commencement de cet éloge, qu'à celles de l'oraison funèbre de madame Henriette » (Génie du Christianisme, tome II, p. 23).

[13] Il semble, en revanche, s'être mieux souvenu de ce passage, mais sans doute l'avait-il alors relu, lorsqu'il l'a évoqué dans le Génie du Christianisme :« Lorsque, enfin, s'avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l'air de faire les funérailles, prêt à s'abîmer dans l'éternité, à ce dernier effort de l'éloquence humaine, les larmes de l'admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains » (tome 2, p. 24).

[14] Mémoires d'Outre-Tombe, tome II, p. 375.

 

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