Assez décodé !
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………Un Vers solitaire très sollicité



………Chantre

Et l'unique cordeau des trompettes marines

………Apollinaire, Alcools

…… On sait que les vers solitaires ont tous un solide appétit, mais pour celui d'Apollinaire, on peut parler de boulimie. Il se gorge de gloses, il se goinfre d'exégèses, il s'empiffre d'explications; bref il fait une consommation de commentaires tout à fait extraordinaire. De tous les vers de la littérature française, il est peut-être celui sur lequel on a le plus écrit. Et ce n'est certainement pas fini, car, comme nul ne l'ignore, les sciences humaines ont apporté à la critique littéraire de nouvelles méthodes d'exploration qui permettent de renouveler indéfiniment l'interprétation de tous les textes, même de ceux qui, pendant des siècles, ont paru limpides à tous les lecteurs. En ce qui concerne Chantre, nous regrettons très vivement pour notre part, que, parmi toutes ces 'approches' (bien propres, le plus souvent, à éloigner de la littérature ceux à qui on prétend l'expliquer), on n'ait pas encore fait appel aux ressources éprouvées (en matière de comique) de la psychanalyse [1]. Fâcheuse lacune qui n'attend, pour qu'on la comble, qu'un disciple de Lacan ! Comment se fait-il que, parmi tant de critiques en quête de symboles phalliques, il ne se soit pas trouvé le moindre connardeau pour tomber dans le piège de l'unique cordeau ? La présence du « sème oblongité », pour parler comme M. François Rastier, leur aurait-elle échappé ? C'est bien dommage, car cela compléterait heureusement la collection des interprétations de Chantre, collection déjà remarquable non seulement par l'abondance des commentaires, mais par l'extravagance de certains d'entre eux.

…… La substance de ce vers-poème nous paraît assez mince, et pourtant, quand on se met à lire certains de ses exégètes, on se surprend à dire tout haut comme l'Intimé pendant la plaidoirie de Petit-Jean  : « Quand aura-t-il tout vu ? [2]» Ecoutons s'exalter la grande vestale du culte apollinairien : « Vers suggestif entre tous ! Je vois une ligne de vaisseaux à l'ancre dans un port tandis que retentissent les sirènes. ou bien un bord de mer, une côte tirée comme au cordeau, et tout au long de laquelle mugit la vague. Ou la grande barre étincelante que forment, parallèles, les trompettes de cuivre d'où jaillit un son vainqueur. Enfin sur une limite extrême entre terre et mer, entre terre et ciel retentit le son unique de l'univers [3]». Ce n'est déjà pas mal et, pour entendre retentir dans ce vers « le son unique de l'univers », il faut avoir une imagination auditive sans doute unique aussi. Pourtant, pour excessif que puisse paraître l'enthousiasme de Mme Marie-Jeanne Durry, il n'est rien à côté de celui d'André Rouveyre. La lecture de Chantre le fait véritablement entrer en transes.Qu'on en juge par son début : « A peine le temps de notre surprise à ce rapide tableau d'une vibrante sonorité, et notre regard sur les mots alerte notre ouïe. Un je ne sais quoi indiscernable s'ébranle, frémit, parcourt, vibre, éclate. Des lèvre viriles et contractées violentent les embouchures d'argent des instruments impérieux et généreux, gloire du cuivre. La sonnerie héroïque perce l'espace, attaque nos tympans, domine, saisit tout. Elle nous enveloppe, nous pénètre nous avertit soudain d'exaltation à la présence du Nombre; de tout ce qui, en poésie, répond aux intarissables demandes que remue l'être humain jusque dans ses plus intimes et sourdes révolution organiques [4]». Suivent quinze pages d'un commentaire qu'on trouvera, selon son humeur, très hilarant ou très irritant, mais qui est en tout cas le plus délirant qu'on puisse lire. « Extravagance impétueuse [5]», écrit-il pour caractériser le vers d'Apollinaire; si l'expression nous paraît bien mal convenir à Chantre, elle convient en revanche à merveille à son propre commentaire. Faute de pouvoir tout citer, on se contentera de ces quelques lignes de sa péroraison : « Nous l'écoutons : il n'y a pas tellement de compartiments ouverts à notre relative connaissance : la marmite où bouent [sic] les eaux, la voûte céleste, la boule où nous sommes posés, le brasier lointain qui nous chauffe, tout ce qui vit là-dedans, les oiseaux, les poissons, les zigzags des éclairs, les nuages, la pluie, etc… tout cela appartient en propre à Apollinaire; mieux, c'est lui-même [6]». Nous l'écoutons et nous songeons irrésistiblement à une autre péroraison, celle de la plaidoirie de l'Intimé :
………………………………[…] Avant donc
………La naissance du monde et sa création,
………Le monde, l'univers, tout, la nature entière,
………Etait ensevelie au fond de la matière,
………Les éléments, le feu, l'air, et la terre, et l'eau,
………Enfoncés, entassés, ne faisaient qu'un monceau,
………Une confusion, une masse sans forme,
………Un désordre, un chaos, une cohue énorme;
………Unus erat toto naturae vultus in orbe,
………Quem Graeci dixere chaos, rudis indigestaque moles
 [7].

…… Mais le chantre extravagant de Chantre avait-il jamais lu Les Plaideurs ? On peut penser, en effet que pour lui la littérature devait commencer avec Apollinaire, sinon il ne se serait jamais mis dans un tel état d'excitation quasi mystique pour un simple monostique et, qui plus est, d'un intérêt assez limité, il n'aurait jamais écrit  : « Voilà de ces incomparables et magnifiques étincelles qui comblent notre étonnement, qui bouleversent notre entendement [8]». Pour notre part, quand nous lisons son commentaire, notre étonnement est certes ! comblé, mais notre entendement est consterné.

…… Pourtant il y a peut-être encore beaucoup plus affligeant que l' « extravagance impétueuse » d'André Rouveyre : c'est l'extravagance laborieuse, besogneuse, piteuse, telle qu'on la trouve dans l'article de M. Georges Zayed déjà cité. M. Zayed commence par annoncer qu'il va se livrer à « une analyse en profondeur de ce vers [9]» et, en un sens, il tient bien sa promesse, puisque c'est au fond de la mer qu'il va chercher la solution : « l'unique cordeau  » est une ligne télégraphique sous-marine (à moins qu'il ne s'agisse d'une ligne téléphonique, car malheureusement M. Zayed ne peut se prononcer sur ce point). « Et quelle ligne peut-il bien représenter dans l'esprit du poète ? Sûrement celle qui relie la France à l'Angleterre - ou peut-être à l'Amérique - et qui est l'unique moyen de le mettre en contact avec une personne qui lui est chère et qu'il n'a pas oubliée et qui ne peut être qu'Annie [10]».

…… On s'attendrait à ce qu'une interprétation aussi inattendue s'appuyât sur une argumentation particulièrement serrée et nourrie. Il n'en est rien. M. Zayed commence par nous faire remarquer que « le mot cordeau ou corde éveille tout de suite dans l'esprit l'idée de lien [11]». Cela certes ! est vrai le plus souvent, mais non pourtant dans tous ses emplois, mais non lorsqu'il s'agit, par exemple, des cordes vocales ou des cordes d'un instrument à cordes, ce qui est précisément le cas. Bien sûr , même dans ce cas, l'idée de « lien » pourrait se surajouter dans notre esprit à l'évocation de la corde de l'instrument, s'il y avait dans le contexte quelque chose qui suggérât cette idée. Ainsi, au lieu de dire, comme M. Zayed que « le mot cordeau […] éveille tout de suite dans l'esprit l'idée de lien », idée qui nous orienterait vers l'idée de câble sous-marin, serait-il plus exact de dire, que, si cette explication se justifiait par ailleurs, alors le mot « cordeau » pourrait effectivement éveiller l'idée de « lien » . Sans compter que « cordeau » n'est pas « corde ». Nous examinerons tout à l'heure le problème de savoir pourquoi Apollinaire a substitué « cordeau » à « corde »; contentons-nous pour l'instant de noter que le mot « cordeau » éveille beaucoup moins nettement l'idée de « lien » que le mot « corde » et surtout, ainsi que le fait remarquer M. René Kochmann, qu'il « renvoie à une réalité terrienne par excellence, celle du jardin [12]», ce qui ne cadre guère avec l'interprétation sous-marine de M. Zayed.

…… Aussi bien le mot « cordeau » n'aurait-il jamais éveillé dans l'esprit de M. Zayed l'idée de câble sous-marin, s'il s'en était tenu à Chantre. Car ce n'est pas dans le monostique qu'il a trouvé l'explication du vers unique, ni même dans aucun autre poème d'Alcools, mais dans Liens, la pièce liminaire de Calligrammes, grâce à quatre vers qu'il souligne :

………Cordes
………Cordes tissées
………Câbles sous-marins
………Tous les amoureux qu'un seul lien a liés.

…… Pourtant s'il est naturel que les cordes soient associés aux câbles sous-marins dans un poème qui évoque les liens, les fils de toute sorte qui relient les hommes entre eux, on ne voit vraiment pas pourquoi le mot « cordeau » devrait évoquer un câble sous-marin dans un autre poème d'une inspiration toute différente, semble-t-il, même si, outre le mot « cordeau » (et non « corde ») , on y trouve l'épithète « marines » (et non « sous-marines »). Mais entre l'épithète « marines » dans « trompettes marines » et l'épithète « marins » dans « câbles sous-marins », il y a une nuance qui semble échapper totalement à M. Zayed. Il est cependant assez évident que dans le second cas l'épithète évoque nécessairement la mer, tandis qu'elle ne l'évoque qu'accessoirement dans le premier, parce qu'un câble sous-marin est destiné à être sous la mer, tandis qu'une trompette marine n'est nullement tenue à se trouver sur un bateau ou à être utilisée par un marin (à plus forte raison n'est-elle jamais destinée à être immergée). Bien sûr (mais un tel exercice n'est plus de l'explication de texte) on peut toujours à partir de quelques mots qu'on isole de leur contexte, laisser voguer librement son imagination et nous avons cité Mme Marie-jeanne Durry qui, grâce à l'épithète « marines » voit dans Chantre la mer, et le ciel (quand on voit la mer, on voit assez facilement le ciel au-dessus, à moins d'avoir, comme M. Zayed, une imagination essentiellement sous-marine), et la terre (quand on voit la mer, on voit assez facilement un rivage). Mais si Mme Durry avait rencontré, chez Apollinaire de préférence, l'expression « col marin », elle aurait pu tout aussi bien, quand même ce col marin aurait été celui d'une robe bien parisienne, voir en imagination la mer et le ciel et la terre. La seule différence, sans doute, c'est qu'au lieu de voir une côte rectiligne, « tirée comme au cordeau », elle aurait vu, grâce au mot « col », la courbure harmonieuse d'un golfe.

…… D'ailleurs si le rapprochement opéré par M. Zayed était aussi probant qu'il le prétend, comment expliquer, alors que tant et tant de fervents admirateurs d'Apollinaire n'ont cessé de scruter son œuvre et de chercher à en élucider les obscurités avec une obstination que nombre de ses poèmes, manifestement écrits à la hâte, ne paraissent guère mériter, comment expliquer qu'il ait fallu attendre plus de cinquante ans et M. Zayed pour que quelqu'un y songeât enfin ? Mais surtout comment ne pas rester très perplexe devant l'explication de M. Zayed, quand on se dit que, s'il avait passé sa vie entière à lire et à relire l'œuvre d'Apollinaire, en ne sautant à chaque fois que le seul poème Liens, ou plutôt en ne sautant qu'un seul vers de ce poème  : « Câbles sous-marins », jamais, au grand jamais, M. Zayed n'aurait eu l'idée d'expliquer Chantre comme il le fait ? Certes il est mille fois légitime, pour mieux expliquer un texte, de le rapprocher d'autres textes du même auteur, mais c'est d'abord dans le texte qu'on se propose d'expliquer que l'on doit chercher le principe de son explication. Comment admettre que Liens puisse fournir la véritable clé de Chantre, quand il est manifestement impossible de trouver cette clé, ou même de commencer seulement à l'entrevoir dans le seul Chantre ? Comment admettre qu'un auteur publie un poème destiné à rester radicalement hermétique aux lecteurs, tant qu'ils n'auront pas lu tel autre poème d'un recueil postérieur et dont l'auteur lui-même n'a peut-être encore aucune idée ? Il est vrai, et nous allons apporter un peu d'eau au moulin de M. Zayed (mais c'est l'eau de toute une mer qu'il lui faudrait pour rendre son explication vraisemblable !) que, dans le cas présent, il n'est pas impossible que les deux textes aient été écrits à la même époque. Liens, avant de devenir en 1918 la pièce liminaire de Calligrammes, avait été publié dans le numéro 5 du 14 avril 1913 de la revue Montjoie et Chantre apparaît pour la première fois sur les épreuves d'Alcools et pourrait donc fort bien avoir été écrit à ce moment, c'est-à-dire à la fin de 1912 ou au début de 1913. Mais M. Zayed n'a pas retenu cette hypothèse : il préfère croire, comme l'a suggéré M. Décaudin [13], que Chantre proviendrait d'un brouillon inutilisé, pensant même qu'il s'agit probablement d'une variante abandonnée de la cinquième strophe de Palais, bien que l'on ne voie guère comment l'y insérer. D'ailleurs quand bien même les deux textes auraient été écrits à la même époque, il n'en reste pas moins que les lecteurs d'Alcools qui n'avaient pas lu le numéro 5 de la revue Montjoie, et ils devaient être nombreux, étaient condamnés, pour pouvoir comprendre Chantre, à attendre 1918 et la publication de Calligrammes.

…… M. Zayed, ayant sans doute pressenti que sa démonstration, ne convaincrait pas tout le monde, a voulu la rendre plus probante, en essayant de montrer que les pièces qui précèdent Chantre dans le recueil, c'est-à-dire La Chanson du Mal-Aimé, Les Colchiques, comme celles qui la suivent, Crépuscule, Annie, La Maison des Morts, appartiennent au cycle d'Annie. « Pour les deux premières écrit-il, et les deux dernières pièces, cela est évident - ou a déjà été démontré [14]». Admettons-le, encore que, si l'on a évidemment le droit de dire que La Chanson du Mal-Aimé et Annie appartiennent au cycle d'Annie, ce soit beaucoup moins évident pour des poèmes comme La maison des morts, même s'il est certain qu'en l'écrivant Apollinaire a pensé à Annie, ou Palais, même si M. Zayed a sans doute raison de penser que Rosemonde se confond avec Annie Playden. Mais il est tout à fait abusif de parler du cycle d'Annie à propos d'un poème comme Crépuscule, même si, comme l'avait déjà noté M. Décaudin, « le souvenir allemand s'y mêle à l'atmosphère de rêve chère à Max Jacob et à des thèmes picturaux traités par Picasso en 1904-1905 [15]». Car bien peu de poèmes d'Alcools échapperaient au cycle d'Annie, si l'on devait y rattacher tous ceux où l'on peut rencontrer le souvenir allemand, et M. Zayed a dû lire bien des fois Crépuscule sans avoir jamais l'idée de le rattacher au cycle d'Annie. Mais le jour où, en lisant Liens, il a cru découvrir la vraie nature de « l'unique cordeau », il a senti aussitôt qu'il fallait à tout prix que Crépuscule appartînt au cycle d'Annie, tant il est vrai que M. Zayed est prêt à remuer ciel et terre et mer pour prouver que « l'unique cordeau » est bien un câble sous-marin. Dans que traumatisme de la petite enfance faut-il rechercher la cause d'une passion si étrange ?

…… Enfin et surtout, quand bien même tous ces poèmes devraient être rattachés au cycle d'Annie, il ne s'ensuivrait pas nécessairement que Chantre en fît aussi partie. Il faudrait pour cela qu'il y eût dans Alcools un cycle d'Annie, comme il y a, dans Les Fleurs du Mal le cycle de Jeanne Duval ou celui de madame Sabatier, tous les poèmes consacrés à l'une et à l'autre étant réunis en deux groupes entièrement homogènes. Mais ce n'est nullement le cas dans Alcools où, parmi les poèmes qui font partie du cycle d'Annie, certains se trouvent vers le début du recueil, comme La Chanson du Mal-Aimé et Annie, d'autres au milieu, comme L'Emigrant de Landor Road et La Tzigane, d'autres dans le dernier quart, comme La Dame. Car en matière de composition comme en d'autres matières, les exigences de Baudelaire étaient très supérieures à celles d'Apollinaire et, à ce sujet, les remarques que fait M. Zayed sur l'architecture d'Alcools, sont pour le moins surprenantes. En effet, après avoir affirmé que cette architecture était très concertée et très rigoureuse (« Car il va sans dire que la composition d'un recueil n'est jamais l'effet du hasard; nous voulons dire que le recueil ne se présente jamais comme un paquet de cartes que l'auteur mélange et offre au public. Sa structure et son architecture sont toujours l'objet de soins minutieux et la place assignée à chaque poème est le résultat de mûres réflexions. Par suite, les poèmes sont reliés les uns aux autres par des "liens" de toutes sortes et ne sont pas interchangeables, surtout quand l'auteur a disposé de quinze ans pour les ordonner le long d'un fil conducteur »), M. Zayed ajoute aussitôt  : « Que l'architecture d'Alcools nous échappe encore, que l'idée maîtresse qui a présidé à la composition de cette œuvre ait trompé la perspicacité de tous les chercheurs, c'est un fait admis par tout le monde [16]». Ainsi, le sentiment de M. Zayed, si nous le comprenons bien, pourrait se résumer de la façon suivante : « Quelle admirable architecture que celle d'Alcools et qu'il est dommage qu'on ne puisse la voir ! ». M. Zayed, qui est décidément un homme de beaucoup de foi et de bien peu d'esprit critique, ne paraît vouloir admettre à aucun prix que si, après plus de soixante-dix ans, les recherches les plus patientes des spécialistes les plus avertis sont demeurées infructueuses, c'est parce qu'ils ont cherché ce qui n'existait pas. En tout cas, si de son propre aveu, l'architecture d'Alcools reste encore invisible, comment M. Zayed se risque-il à bâtir sur un terrain aussi mouvant ? Comment peut-il affirmer que Chantre ne saurait se trouver au milieu de poèmes qui appartiendraient au cycle d'Annie sans en faire partie lui-même ? Comment peut-il affirmer que la raison de sa place « ne peut être seulement le souci de la variété - un poème court après de longs poèmes [17]» ? Mme Jeanne-Marie Durry, en comparant les paginations des premières épreuves d'Alcools à la pagination définitive, a pourtant bien montré « le souci […] très net de faire alterner les pièces brèves et celles qui le sont moins ». Elle pense même que « ce principe d'organisation est le plus visible de tous [18]».



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…… Mais laissons le câble sous-marin de M. Zayed et revenons à « l'unique cordeau » d'Apollinaire. André Rouveyre et Mme Marie-Jeanne Durry, bien qu'ils aient par ailleurs beaucoup trop lâché la bride à leur imagination (Mme Marie-Jeanne Durry à un degré bien moindre qu'André Rouveyre, il est vrai) ont néanmoins bien vu (et M. Zayed, qui les a lus, ne l'ignore pas non plus) que Chantre était d'abord une très rapide description, une sorte de définition d'un instrument de musique : la trompette marine. Dans un accès de lucidité, dû sans doute à quelque brusque refroidissement cérébral, André Rouveyre écrit : « Et l'unique cordeau des trompettes marines est au fond, en vérité, une simple nature morte ». Mais son naturel exalté reprenant aussitôt le dessus, il s'empresse d'ajouter : « mais traitée avec amour, pourquoi non, grand dieux ! [|a température est remontée] revêtue aux grâces du cœur et de l'esprit [19]». Il importe assez peu de savoir comment Apollinaire a découvert la trompette marine. Peut-être dans Le Bourgeois Gentilhomme [20], mais sa culture classique laissait à désirer; peut-être dans les articles de Paul Viardot [21] et de Léon Vallas [22] que cite Mme Durry; plus simplement sans doute dans quelque dictionnaire, comme l'encyclopédie Quillet dont André Rouveyre cite la définition qu'elle donne de la trompette marine : « Instrument à corps de bois et à corde unique dont on jouait avec un archet  ». En tout cas Apollinaire a dû songer aussitôt à faire figurer cet instrument bizarre dans Alcools. Idée étrange, dira-t-on, mais, dans son compte rendu du Mercure de France du 15 juin 1913, compte rendu assez judicieux malgré son excessive sévérité, Georges Duhamel a comparé Alcools à une « boutique de brocanteur » et il n'est, pour se convaincre du bien-fondé de ce jugement que de lire la pièce liminaire Zone, dont le titre évoque pour nous un véritable marché aux puces de la poésie. Que n'y trouve-t-on pas, en effet : une tour Eiffel, de vieilles autos, la photo de Pie X, des prospectus, des affiches, des enseignes, des plaques, des oiseaux de toute sorte, une image du Sacré-Cœur, une horloge qui tourne à l'envers, des pastèques, un édredon rouge, des fétiches d'Océanie et de Guinée… ? Dans un tel bric-à-brac de brocanteur, il y a évidemment place pour une trompette marine, et Apollinaire, avec son goût un peu puéril de l'insolite et de l'hétéroclite, ne pouvait qu'être séduit par cette trompette qui n'est pas un cuivre et par cet instrument à cordes qui n'en a qu'une. Son instinct mystificateur a vu aussitôt le parti qu'on pouvait en tirer.

…… Qu'a-t-il fait alors ? Sans pouvoir affirmer, cela va sans dire, que les choses se soient exactement passées ainsi, on peut essayer de reconstituer la genèse de Chantre avec une assez grande probabilité. Apollinaire est sans doute parti d'un document, revue ou dictionnaire, où il trouvait les mots « corde unique », de l'encyclopédie Quillet par exemple, plutôt que du Littré qui parle d'une « seule corde »; et il a dû jeter sur le papier ces simples mots qui résumaient la double singularité de l'instrument : « La corde unique de la trompette marine  ». Puis, à moins bien entendu qu'il n'ait eu recours tout de suite et instinctivement au pluriel, il a dû remplacer « de la trompette marine » par « des trompettes marines », afin que le pluriel s'opposât au singulier de « corde unique » et en soulignât mieux la singularité. Il s'est alors aperçu qu'il avait, avec « des trompettes marines », le second hémistiche d'un alexandrin, hémistiche dont les deux accents étaient distribués régulièrement (3.3) et qu'il ne lui manquait qu'un pied pour avoir le premier hémistiche. Le poème était presque né.

…… On peut penser, en effet, tout en étant conscient de la part de gratuité qu'il y a inévitablement dans ce genre de suppositions, que, dès ce moment, Apollinaire avait conçu l'idée de faire un vers unique, idée sans doute suggérée au futur auteur de Calligrammes par la corde unique de la trompette marine. Comme l'écrit M. Kocmann, « la raison d'être de ce monostiche n'est-elle pas indiquée dans le monostiche même ? Ce poème n'a qu'un vers, parce que la trompette marine par définition n'a qu'un unique cordeau [23]». Et c'est parce que ce vers devait être unique, qu'il devait aussi être un alexandrin. Quand on se propose, en effet, d'écrire un poème qui ne comporte qu'un seul vers, il vaut mieux, si l'on veut que ce vers ait vraiment l'air d'en être un, qu'il soit régulier et qu'il corresponde à l'un des mètres les plus utilisés. S'il ne s'était agi d'un monostique, Apollinaire n'aurait probablement pas éprouvé le besoin de lui ajouter une syllabe de plus et l'on aurait eu un hendécasyllabe. Car c'est souvent que l'on trouve chez lui, et notamment dans Zone, des vers de onze ou de treize syllabes qu'il aurait pu très facilement transformer en alexandrins, ce qui aurait mieux valu d'ailleurs, ces vers donnant généralement l'impression désagréable d'être des alexandrins ratés, et cela d'autant plus qu'ils voisinent souvent avec de vrais alexandrins. Nous savons bien que les fervents d'Apollinaire le félicitent hautement d'avoir su se libérer des contraintes du vers régulier. Ainsi, répondant à Etiemble qui voit dans l'abandon du vers régulier un recours à la facilité et au relâchement, M. Jean-Claude Chevalier écrit  : « Il est bien évident, à l'inverse, que les difficultés en sont multipliées; le versificateur du dimanche est éliminé du jeu [24]». Il serait trop long de traiter ici le problème du vers libre. Contentons-nous de dire que nous partageons entièrement les vues exprimées par Etiemble dans l'article auquel M. Chevalier fait allusion [25], et que nous sommes très surpris de voir celui-ci parler du « goût pour le paradoxe que professe Etiemble » à propos de pages qui nous paraissent, au contraire, témoigner au plus haut degré d'un goût de la rigueur bien moins courant de nos jours que le goût de l'amphigouri dont témoigne l'ouvrage de M. Chevalier. Et malheureusement pour lui, il faut bien constater que les poèmes les plus admirés d'Apollinaire, les seuls qui le soient unanimement (La Chanson du Mal-Aimé, les Rhénanes, Le Pont Mirabeau… ) sont tous écrits en vers réguliers.

…… Quoi qu'en pense donc M. Jean-Claude Chevalier, si Apollinaire a eu recours au vers libre, c'est surtout parce qu'il était dans sa nature, pour le rythme comme pour le reste, de se contenter d'approximations. Mais, dans le cas du monostique, l'effort à fournir pour en faire un vers régulier était réduit au minimum : il ne manquait qu'une seule syllabe. De plus, la solution qu'adopta Apollinaire (ajouter un « et » au début) était celle qui demandait le moins d'imagination. C'était aussi, à première vue, celle qui s'imposait le moins : s'il y a un mot que l'on ne s'attend guère à trouver au début d'un texte, c'est bien « et ». Aussi M. Décaudin a-t-il suggéré que Chantre pourrait être le vestige d'un poème dont Apollinaire aurait sacrifié le reste [26]. M. Henri Ziéglé ne le pense pas : « Je ne vois pas chez Apollinaire, écrit-il, ni la volonté de sauver un pur vestige d'un ensemble mal venu, qu'aurait un tenant de la poésie pure, ni du reste une grande sévérité autocritique [27]». M. Ziéglé a raison : la sévérité autocritique d'Apollinaire n'est pas très grande. Il s'est pourtant livré à d'assez nombreux remaniements et l'on trouve dans ses brouillons un certain nombre de poèmes, ou d'ébauches de poèmes, en partie sacrifiés et dont les vestiges ont été utilisés dans d'autres pièces. Il est vrai que M. Ziéglé donne de cette attaque par « et », qui ne lui paraît pas fortuite, mais au contraire capitale, une explication très simple et très satisfaisante pour l'esprit. « Ce vers, écrit-il, est le dernier terme - le terme important - d'une énumération [28]  ». Apollinaire aurait simplement laissé au lecteur le soin d'en imaginer les termes antérieurs et c'est ce que fait M. Ziéglé : « S'il y a les cordes en nombre impair des antiques cithares et les cordes nombreuses des harpes et des clavecins… et (part de modernisme) les 8 cordes des mandolines et les 6 cordes des guitares… et (part de singularité) les lames d'acier du kinzanzi des Congolais, n'y a-t-il pas aussi, n'y a-t-il pas surtout la corde unique des trompettes marines ? [29]» Mais précisément parce que l'explication que nous donne M. Ziéglé nous paraît être la plus satisfaisante pour l'esprit, nous doutons qu'elle soit la bonne. Si son article, en effet, prouve qu'il ne partage nullement la ferveur aveugle de Mme Marie-Jeanne Durry, d'André Rouveyre et de quelques autres à l'égard d'Apollinaire, il lui prête pourtant un peu trop généreusement ses propres exigences de clarté et de rigueur lorsqu'il écrit : « être clair ne me paraît pas un souci étranger à Apollinaire [30]». Nous croyons, quant à nous, qu'Apollinaire aurait été bien en peine d'expliquer de façon satisfaisante certains endroits particulièrement obscurs de son œuvre, mais qu'il les a néanmoins conservés, en se disant que les commentateurs ne seraient pas à court d'explications et que beaucoup de lecteurs admireraient d'autant plus qu'ils comprendraient moins. Aussi la raison pour laquelle nous écarterons nous aussi l'hypothèse de M. Décaudin, n'est autre que celle qui l'a amené à la faire : si Apollinaire a retenu cet « et » initial qui est très probablement le premier mot qui lui est venu à l'esprit pour cet unique pied qui lui manquait, c'est parce que c'était le mot qui s'imposait le moins. Cet « et » qui dans son esprit n'avait d'autre mérite que de lui fournir le pied qui lui manquait, il s'est dit, et non sans raisons, qu'on s'extasierait sur lui comme Philaminte sur le « quoi qu'on die » du sonnet de Trissotin et qu'on lui trouverait une valeur poétique et un pouvoir de suggestion tout à fait extraordinaires. Cela n'a pas manqué : ainsi Mme Marie-Jeanne Durry écrit que « le "et" initial semble rattacher [ce vers] à tous les spectacles du monde [31]». La mode étant aux "approches" (à pas combien pesants !) collectives et pluridisciplinaires des textes, nous ne désespérons pas de voir se réunir, sou un patronage qui ne saurait être que celui de Roland Barthes, un grand colloque qui rassemblerait la fine fleur des sociologues, l'élite des psychanalystes, le gratin des linguistes, la crème des sémioticiens pour étudier le « et » initial de Chantre. On en publierait les débats dans un gros ouvrage dont le titre, dû à Roland Barthes, ne saurait être que : Travaux préliminaires en vue de contribuer, en passant comme il se doit à toute écriture, à une approche, qui ne saurait être que collective, d'une analyse structurale dont tout autour de nous dit l'urgence, du « et » initial de « Chantre  », analyse qui ne saurait être que la première étape d'une théorie libératrice du Signifiant.

…… En attendant de pouvoir disposer de travaux si précieux, contentons-nous de remarquer que, si grâce à cet « et » initial Apollinaire avait bien les douze pieds qu'il lui fallait, il n'avait pas encore un alexandrin régulier, le sixième pied étant constitué par une syllabe muette non élidée (« Et la corde unique des trompette marines »). Il lui fallait donc un mot à terminaison masculine à la fin du premier hémistiche. Comme il ne pouvait songer à abandonner cette épithète d' « unique », indispensable au monostique, il ne lui restait, à moins bien entendu qu'il ne l'ait fait dès le début, qu'à la placer avant le substantif (ce qui avait d'ailleurs l'avantage de mieux la mettre en valeur) et qu'à remplacer le mot « corde » par un synonyme de deux syllabes comme lui mais à finale masculine. Le plus simple était de chercher d'abord dans la famille de « corde » où il avait le choix entre « cordon » et « cordeau ». Le premier mot, aux résonances trop prosaïques (cf. « cordon de soulier, de rideau, de sonnette… ») ne pouvait convenir  : il aurait entravé l'imagination de Mme Durry, il aurait étranglé le lyrisme d'André Rouveyre. Restait donc « cordeau ». Ce mot, d'un emploi relativement rare, a dû séduire Apollinaire d'autant plus que, grand amateur de calembours, il a dû remarquer comme l'a suggéré M. Décaudin [32], qu'il y avait ainsi un jeu de mots entre « cor d'eau » et « trompettes marines ». De plus cette substitution de « cordeau » à « corde », dictée sans doute à l'origine par le seul souci d'obtenir un alexandrin conforme aux règles, avait le grand avantage, s'agissant d'un vers qui est d'abord un vers énigme, de contribuer à égarer un peu plus le lecteur, en masquant mieux la solution de la devinette : l'instrument à corde unique.

…… Du point de vue du rythme enfin, cette correction, en donnant au premier hémistiche la même distribution des accents que dans le second, permettait d'obtenir un alexandrin parfaitement régulier (3.3.3.3) et comme tiré au cordeau. M. Kochmann a bien souligné le caractère d'alexandrin type qu'Apollinaire a donné à ce vers : « On y trouve un effet classique d'opposition entre une première moitié de vers au singulier et une seconde au pluriel : d'où une sensation d'ampleur progressive. Cet effet d'opposition se conjugue non moins classiquement avec un chiasme qui établit entre les épithètes "unique, marines" et les substantifs "cordeau, trompettes" un axe de symétrie qui passe par le milieu du vers [33]». Il n'est pas sûr qu'Apollinaire se soit fait toutes ces remarques, mais il est clair qu'il a voulu donner à ce vers la forme la plus classique possible : il fallait, en effet, que ce vers canular ait l'allure d'un alexandrin quasi caricatural et M. Kochmann dit fort justement qu'il « passerait aisément pour un pastiche de Valéry [34]».



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…… Une question se pose maintenant : y a-t-il lieu de chercher au-delà du canular incontestable ? Le monostique ne serait-il que l'évocation volontairement énigmatique d'un instrument de musique archaïque et bizarre ? « L'unique cordeau » ne serait-il qu'un piège tendu au lecteur, qu'une corde en travers d'Alcools, destinée à faire trébucher ceux qui ne la verraient pas, en même temps qu'un exercice de saut en hauteur pour certains commentateurs qui sans doute verront bien la corde, mais qui, ne pouvant se contenter d'explications toutes simples, au ras du texte, vont se croire obligés, comme André Rouveyre, de faire un véritable bond dans le cosmos pour franchir cette grosse ficelle tendue presque au ras du sol ? C'est possible, et l'on pourrait même penser qu'il n'y a aucune raison sérieuse de chercher plus loin, s'il n'y avait le titre : Chantre. Il est vrai qu'on ne saurait affirmer qu'il répondait dans l'esprit d'Apollinaire à une idée vraiment précise et qu'il n'était pas seulement destiné à égarer encore un peu plus le lecteur. Mais pourquoi alors choisir « chantre » plutôt que n'importe quel autre mot ? Toutes les solutions sont possibles, même celles qui peuvent paraître les plus gratuites. On pourrait imaginer, par exemple - hypothèse qui serait entièrement saugrenue si nous n'avions affaire à un auteur qui n'a jamais dédaigné les jeux de mots les plus faciles, et dont le degré de probabilité est si réduit que nous serions tenté de croire qu'elle nous vient par télépathie de M. Zayed - que « corde » l'ait fait penser à « chanvre » et « chanvre » à « chantre », titre auquel il se serait arrêté, ce mot ayant le mérite d'offrir avec l'instrument de musique évoqué par le monostique une analogie dont Apolllinaire aurait laissé aux commentateurs le soin de préciser l'exacte signification.

…… C'est en tout cas de ce titre, Chantre, qu'il convient de partir pour chercher si Apollinaire, en même temps qu'il évoquait un instrument de musique curieux, a voulu nous dire quelque chose de plus. Et s'il y avait lieu de faire encore une objection à l'interprétation de M. Zayed, on pourrait lui reprocher de ne tenir que bien peu compte de ce titre. Voici tout ce que l'on trouve sur ce point dans l'article de M. Zayed : « Après le départ de celle-ci [Annie] pour l'Angleterre, ou pour les Etats-Unis, Apollinaire, dans un moment de nostalgie amoureuse, aurait songé tout simplement qu'il ne lui restait plus que cette unique ressource, cette unique "corde" dans son "sac" pour atteindre; l'ingrate bien-aimée et, par-delà les mers, lui "trompeter" son amour toujours vivace et pourquoi pas ? lui chanter une nouvelle Aubade à Laetare sur le rythme monocorde de cet instrument vieillot comme son amour. N'est-il pas lui-même le chantre dont le poème porte le titre ! [35]». Bien sûr M. Zayed arrive, tant bien que mal, à concilier le titre avec l'interprétation qu'il a donnée du monostique : si Apollinaire téléphone ou télégraphie à Annie, c'est assurément pour lui dire son amour, et dire son amour, quand on est poète, c'est chanter son amour. Mais le rapport ainsi établi entre le titre et l'interprétation du monostique est très vague et bien arbitraire. Car comment nier que le mot « chantre » ne soit par lui-même absolument incapable de mettre le lecteur sur la voie de l'interprétation de M. Zayed ? Une fois de plus, la méthode de M. Zayed se révèle bien étrange : au lieu de chercher dans le titre du poème le principe de son explication, M. Zayed interprète après coup ce titre à partir d'une explication de ce poème qu'il a cru trouver dans un autre poème. Ajoutons que les lignes que nous venons de citer illustrent encore d'une autre façon les procédés de démonstration bien peu rigoureux qu'emploie M. Zayed  : pour essayer de donner l'impression que son interprétation colle étroitement au texte, il s'efforce de présenter son exégèse en utilisant le plus possible les mots mêmes du texte ou des mots qui en sont très proches. Le procédé serait parfaitement légitime, si ces reprises de mots n'apparaissaient, elles aussi, bien arbitraires. Ainsi l'utilisation par M. Zayed du verbe « trompeter » n'aurait quelque valeur démonstrative que si l'un des emplois de ce verbe était associé aux communications par câbles sous-marins, ce qui, à notre connaissance, n'est nullement le cas. Bien sûr il est toujours permis de jouer avec les mots, mais à la condition de ne pas vouloir faire passer ces jeux de mots pour des arguments. C'est pourtant ce que M. Zayed a visiblement essayé de faire. De plus, lorsqu'il écrit qu'il ne restait plus à Apollinaire que cette « unique corde » dans son « sac », il semble que M. Zayed, décidément bien distrait, après avoir pris la corde d'une trompette marine pour un câble sous-marin, ait pris aussi un arc pour un sac. Il est vrai (dirons-nous pour le suivre sur son propre terrain) qu'en se servant de Liens pour essayer de débrouiller « l'unique cordeau », il risquait fort de n'aboutir qu'à un « sac de nœuds ».

…… Si M. Zayed n'avait pas été atteint de cette monomanie, assurément unique elle aussi, de voir dans le monostique un câble sous-marin, s'il avait pu se demander naïvement vers quelle interprétation nous orientait ce titre de Chantre, il l'aurait sans doute trouvé d'autant plus aisément qu'il a lui-même écrit, à propos de l'explication de Palais donnée par Mme Durry : « Ainsi Palais serait une sorte d'art poétique, comme plusieurs pièces d'Alcools : Poème lu au mariage d'André Salmon, Merlin et la vieille femme, Clair de Lune etc. [36]». Comment l'idée qu'il conviendrait peut-être d'ajouter Chantre à cette énumération laissée ouverte par le "etc." n'a-t-elle pas traversé l'esprit de M. Zayed, alors que le mot « chantre » est employé, ou a été employé, pour désigner des poètes célèbres, dans tant de périphrases où il est suivi le plus souvent d'un complément évoquant soit leur patrie, soit un de leur chefs-d'œuvre, soit un des grands héros qu'ils ont chantés ? Au début de l'article "chantre", le Littré, pour prendre un dictionnaire pratiqué par Apollinaire, cite les exemples les plus courants : « Le chantre de la Thrace, Orphée. Le chantre thébain, Pindare, Le chantre d'Ilion, Homère… »

…… Si l'on admet que, par ce mot de « chantre », Apollinaire a voulu désigner le poète, il reste à expliquer de façon plus précise le choix de ce mot, plutôt que celui d'un terme équivalent comme « rhapsode  », « barde » ou mieux « aède » qui étymologiquement signifie, comme « chantre », « celui qui chante ». La raison en semble évidente  : les autres synonymes qu'Apollinaire aurait pu utiliser, auraient eu l'inconvénient majeur de désigner le poète de façon beaucoup trop explicite et de ne se prêter à aucune équivoque. Or, étant donné le caractère volontairement énigmatique du monostique, il lui fallait pour titre un mot qui ne fût pas univoque. De plus des mots comme « rhapsode », « barde  » ou « aède » auraient évoqué le Poète d'autrefois plutôt que le poète en général, c'est-à-dire aussi le poète d'aujourd'hui, celui à qui surtout pensait Apollinaire. Enfin le choix de « chantre » permet d'établir entre le monostique et son titre des analogies assez subtiles, dont on peut, il est vrai, se demander si Apollinaire les a bien vues. En dehors de l'évidente analogie qu'il y a entre un chanteur et un instrument de musique, il y a une analogie plus précise que M. Décaudin a bien notée, en signalant le rapport que « forme le titre, suggérant une voix grave et solitaire, avec la sonorité de la trompette marine [37]». Mais il est sans doute possible d'aller plus loin et de retrouver dans le titre, grâce aux diverses acceptions du mot « chantre », l'ambiguïté que confère au monostique le divorce qu'il y a entre le nom de la trompette marine et la nature véritable de l'instrument. Le mot « trompettes » évoque les cuivres, des sonorités stridentes et triomphales, alors qu'il s'agit d'un instrument de la famille des cordes, d'une sonorité bien sourde et singulièrement piètre. Quant au mot « chantre  », s'il sert à évoquer, dans les acceptions que nous avons rappelées, la voix des grands poètes dont la gloire a franchi les siècles, il sert aussi à évoquer celle d'un pauvre bedeau d'une église de village qui, tous les dimanches, est exact à détonner devant quelques bigotes.

…… De ces deux emplois du mot « chantre », si le premier, en nous invitant à voir dans la trompette marine un symbole du poète, nous a permis de comprendre que le monostique était vraisemblablement un art poétique très laconique, c'est le second qui, parce qu'il est en harmonie avec la nature véritable de l'instrument, va nous permettre de préciser le contenu de cet art poétique. Car, si la voix du poète tel qu'Apollinaire le conçoit, tel qu'il se voit lui-même, fait penser à celle de cet instrument grossier comme à celle d'un gros bedeau, Chantre serait donc la défense et illustration d'une poésie simple, naïve, pour ne pas dire commune et même vulgaire. Nous rejoignons ainsi tout à fait l'interprétation de M. Henri Ziéglé, interprétation qu'il résume - avec « beaucoup d'outrance », dit-il, mais le pense-t-il vraiment ? - en écrivant que ce qui représente l'essence du « chant » poétique pour Apollinaire, c'est « l'art d'un gros chantre d'église, convaincu au point d'être convaincant, sans nuance et fort commun, mais exprimant mieux qu'un artiste les sentiments de sa paroisse [38]».

…… M. Kochmann, que M. Ziéglé ne semble pas avoir lu, avait d'alleurs déjà proposé une interprétation de ce genre, et avait même essayé de préciser un peu plus la nature de la poésie prônée dans Chantre. Rappelant qu'Apollinaire avait raillé les symbolistes et suggérant que les vers de Zone  :

………Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
………Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux

étaient peut-être une réponse à la déclaration de Mallarmé disant que « le vers est partout dans la langue… excepté dans les affiches et à la quatrième page des journaux », M. Kochmann écrit : « Apollinaire, nous le savons, pensait que la vulgarité quotidienne peut être aussi source de haute poésie. C'est peut-être bien à cause de sa vulgaire simplicité qu'il a choisi la trompette marine comme symbole de sa conception du poétique [39]  ». En revanche, M. Kochmann, qui écrit à propos du titre : « Il paraîtra raisonnable d'écarter de notre investigation les emplois qui font relever chantre du lexique religieux [40]», n'a pas vu ce que l'on pouvait tirer d'une comparaison du poète avec un chantre d'église.



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…… L'interprétation de Chantre nous paraissant maintenant établie avec une assez grande vraisemblance, il convient d'examiner si elle ne peut pas permettre d'expliquer autrement que nous l'avons fait tout à l'heure, les deux mots du monostique qui posent un problème : « cordeau » au lieu de « corde » et surtout l'attaque inattendue par « et ». Nous n'aurons pour cela qu'à suivre M. Ziéglé , qui nous a apporté sur ces deux points des réponses qui peuvent sembler tout à fait satisfaisantes. Il justifie très subtilement le choix de « cordeau », en disant que « la distance de corde à cordeau n'est pas dans le suffixe, mais dans le halo de cordeau (la plus raide, la plus sèche, la plus tendue des cordes, la moins capable de vibrer, la moins musicienne) [41]». Quant au « et » initial, nous avons vu que M. Ziéglé considérait qu'il introduisait le dernier terme d'une énumération dont l'imagination du lecteur devait reconstituer les termes antérieurs. Donc, à partir du moment où l'on admet que la trompette marine est le symbole du poète, il ne reste plus qu'à étendre cette interprétation aux termes non exprimés de l'interprétation. Apollinaire aurait ainsi voulu nous dire que, s'il y a des genres de poésie très nombreux, très divers, il y a aussi, il y a surtout celle que symbolise pour lui la trompette marine.

…… Si, nous l'avons dit, l'interprétation générale que donne de Chantre M. Kochmann, est en gros la même que celle de M. Ziéglé, il n'a pas vu qu'elle pouvait justifier le choix du mot « cordeau » (il n'a retenu, pour l'expliquer, que l'hypothèse du jeu de mots), et il a donné du « et » initial une explication très différente : « Cette conjonction, écrit-il, ne peut coordonner de façon satisfaisante au titre du poème l'alexandrin dont elle est la première syllabe. Mais pourquoi refuserait-on, d'accepter qu'elle le coordonne au blanc qui s'étend entre le titre et elle-même ? Avant toute parole, avant le premier vers, don des dieux, il y a le silence, pas n'importe quel silence, mais un silence qualifié celui du chantre. Si, avant le poème, il y a le poète, c'est qu'entre les deux prend place ce silence nécessaire à la naissance de la profération [42]». Cette interprétation nous paraît beaucoup moins rigoureuse que celle de M. Ziéglé, le lien qui rattache l'explication particulière du « et » et l'explication générale du monostique étant beaucoup plus lâche. Et si elle paraît plus ambitieuse (mais n'est-elle pas surtout bien creuse ?) elle est en tout cas moins simple et moins naturelle. Or la leçon même du monostique ne doit-elle pas nous écarter des explications trop prétentieuses ? Sans compter qu'on pourrait trouver à l'explication de M. Kochmann des relents mallarméens et symbolistes, alors que, selon lui, l'inspiration de Chantre serait, comme celle de Palais, anti-symboliste.

…… Si, de tous les commentateurs de Chantre, M. Ziéglé nous paraît en avoir donné l'interprétation la plus claire, la plus complète et la plus cohérente, nous ne pensons pourtant pas que les explications qu'il nous propose du choix de « cordeau » et du « et » initial correspondent aux intentions d'Apollinaire. Il nous semble, en effet, que la clarté et la cohérence sont bien souvent les derniers de ses soucis, et, en tout cas, des soucis très secondaires par rapport à la volonté d'étonner et au désir de mystifier. D'autre part, et c'est aussi, nous l'avons vu, l'avis de M. Ziéglé, Apollinaire n'est nullement de ces écrivains très exigeants, qui s'interrogent longuement sur chacun des mots qu'ils emploient, tourmentés par des doutes continuels, torturés par d'incessants remords. Aussi persistons-nous à penser que, si Apollinaire a retenu le mot « cordeau » et l'attaque par « et », c'est d'abord parce que c'étaient les solutions les plus simples pour résoudre les petits problèmes de métrique qui se posaient à lui, et ensuite parce qu'ils lui paraissaient bien propres à dérouter le lecteur. Nous persistons à penser que ces choix, et c'est beaucoup dire, ont été opérés alors qu'Apollinaire n'avait pas encore songé, en donnant un titre au monostique, à conférer à la trompette marine la valeur s'un symbole. À tout le moins dira-t-on, une fois le titre et le symboles trouvés, Apollinaire a-t-il pu remarquer qu'ils apportaient à ces choix une justification inattendue et être ainsi amené à les ratifier définitivement. Sans doute est-ce possible, mais c'est peu probable : il n'a pas dû s'attarder beaucoup à s'interroger sur son poème ou, s'il l'a fait, il y a certainement passé beaucoup moins de temps que M. Ziéglé ou n'importe quel autre exégète de Chantre. Apollinaire, redisons-le, nous paraît souvent faire partie de ces auteurs dont le nombre n'a cessé de croître, et qui, partisans résolus de la division du travail pensent que les écrivains sont faits pour écrire et les critiques pour comprendre ce que les écrivains ont écrit.

…… Mais il serait temps de conclure sur « l'unique cordeau  », si nous ne voulons pas être accusé de trop tirer sur la ficelle. Pourtant devant la multiplicité et la diversité des interprétations de ce vers si controversé, nous serions tenté d'en suggérer une autre : de même que le chantre d'église chante d'abord tout seul une première phrase, les fidèles enchaînant ensuite d'une manière le plus souvent cacophonique, de même ici le poète récite d'abord un vers unique et ensuite les commentateurs écrivent des pages et des pages d'explications contradictoires. Le poète, comme le chantre, entonne, et les commentateurs, comme les fidèles, dé…tonnent. Il est certes ! légitime et stimulant, quand on veut expliquer un texte, d'adopter à son égard un certain parti pris d'admiration qui permet souvent de mieux en saisir toutes les nuances, mais il ne faut pas crier au miracle au moindre mot ni entrer en transes à tout propos, sous peine d'atteindre le but opposé à celui qu'on se propose. Un enthousiasme aussi incontrôlé que celui d'André Rouveyre risque de jeter le ridicule non seulement sur le commentaire, mais aussi sur le texte commenté. Apollinaire aurait d'ailleurs été probablement le premier à en rire et, si par hasard il s'est souvenu de la prédilection que M. Jourdain manifestait pour la trompette marine, peut-être a-t-il pensé avec malice que certains critiques s'extasieraient aussi sottement sur la sienne. Car enfin il y a tout de même dans la littérature universelle, dans la musique, dans la peinture, etc… quantité de chefs-d'œuvre d'une tout autre portée que « l'unique cordeau » ! Aussi quand André Rouveyre écrit, après avoir évoqué les trompettes de la fin du monde : « En attendant, nous avons ce paradis de poésie lorsque les trompettes d'Apollinaire éclatent, selon son ardente et lumineuse incantation, parmi les éléments déchaînés, dans toute leur puissance étendue comme dans toutes leurs particules. Nous ressentons une délicieuse épouvante, le prestige d'une identification dramatique. D'une identification où se reconnaît, où se trouve incorporé le mouvement de flux et de reflux qui, en nous, anime et maintient vivant tout notre organisme, de notre superficie jusqu'à nos vertèbres [43]», on se dit qu'il aurait bien dû consulter un médecin, et, si nous avions été ce médecin, nous lui aurions prescrit d'écouter tous les soir avant de se coucher un passage de la Passion selon saint Matthieu ou de la Messe en si.

…… Nous ne prétendons pas pour autant que Chantre ne présente absolument aucun intérêt. Il faut d'abord reconnaître qu'Apollinaire, dont on aurait souvent envie de corriger la devise « J'émerveille » en « J'épate », a parfaitement réussi à faire, sous la forme d'un amusant pastiche d'alexandrin; un vers devinette bien propre à dérouter les lecteurs et à égarer les critiques. Il est de plus très probable que le titre n'est pas gratuit et qu'Apollinaire a su utiliser habilement la trompette marine pour défendre une certaine conception de la poésie. Mais ce qu'il nous dit, comme l'instrument lui-même, est très simple. Et nous rejoignons une fois encore M. Ziéglé qui conclut  : « Lieu commun ? certes ! et poème sans mystère et sans doute est-ce assez décevant [44]». Hé oui ! si l'on néglige tous les commentaires arbitraires qu'il a suscités, si l'on refuse de le prendre pour un câble sous-marin ou pour un serpent de mer, si l'on ne veut y voir la mer, l'air et la terre, et tous les habitants des divers éléments, la lune, le soleil et l'immense univers, on s'aperçoit qu'il n'y a finalement pas grand-chose à dire sur « l'unique cordeau ». Aussi conclurons nous avec un monostique :

……………Non, l'unique cordeau n'est pas un élastique !


 

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NOTES :

[1] Seul M. Georges Zayed, dans un article intitulé « Le monostique d'Apollinaire. Annie est-elle au bout de l'unique cordeau ? », (Revue des Sciences Humaires, juillet-septembre 1970, pp. 411-421), après avoir donné de « l'unique cordeau » une interprétation sur laquelle nous reviendrons (il s'agirait d'un câble sous-marin), a émis cette hypothèse : « Il n'est pas impossible; écrit-il, qu'il soit aussi un symbole érotique comme les Sept Epées » (p. 420). Nous serons d'accord avec M. Zayed sur un point seulement  : si l'unique cordeau peut être un câble sous-marin, il peut tout aussi bien être un symbole érotique. Mais nous serions très curieux (son câble sous-marin nous ayant mis l'eau à la bouche) de connaître les arguments que M. Zayed invoquerait à l'appui de cette interprétation (suggérons-lui que « chantre » peut faire penser à « chancre ») et plus encore de savoir comment il pourrait concilier deux interprétations également extravagantes, mais fort peu convergentes.

[2] Racine, Les Plaideurs, acte III, scène 3, vers 685.

[3] Marie-Jeanne Durry, Guillaume Apollinaire : Alcools, Tome II, SEDES, 1964, p. 108.

[4] Amour et poésie d'Apollinaire, Editions du Seuil, 1955, p. 67.

[5] Ibid., p. 79.

[6] Ibid., pp. 80-81.

[7] Racine, Les Plaideurs, acte III, scène 3, vers 801-810.

[8] Op. cit., p. 81.

[9] Ibid., p. 414.

[10] Ibid., p. 416.

[11] Ibid., p. 415.

[12] « Chantre et la poétique d'Apollinaire », Le français moderne, octobre 1958, p. 320.

[13] Voir Le Dossier d'Alcools, Droz-Minard, 1960, p. 113.

[14] Op. cit., p. 416.

[15] Op. cit., p. 115.

[16] Op. cit., pp. 416-417.

[17] Ibid., p. 417.

[18] Op. cit., pp. 48-49.

[19] Op. cit., p. 75.

[20] Comme on le sait, c'est l'instrument préféré de M. Jourdain. Lorsque le Maître de musique énumère les instruments qu'il faudra pour le concert hebdomadaire que M. Jourdain devra donner, s'il veut devenir une personne de qualité, il lui demande d'ajouter une trompette marine  : « Il y faudra mettre aussi une trompette marine. La trompette marine est un instrument qui me plaît et qui est harmonieux » (Acte II, scène 1).

[21] « Trompette marines et violes », Revue musicale, 1er septembre 1913.

[22] Bulletin français de la Société internationale de musique, 5 novembre 1908.

[23] Op. cit., p. 315.

[24] Alcools. Analyse des formes poétiques, Bibliothèque des Lettres modernes, Minard, 1970? p. 12

[25] « Les dieux parlaient-ils en vers libres ou en prose ? », Hygiène des Lettres, tome IV : Poètes ou faiseurs ?, Gallimard 1966, pp. 152 sq.

[26] Voir op. cit., p. 113.

[27] « A propos de Chantre d'Apollinaire », Revue des Sciences Humaines, octobre-décembre 1971, p. 627.

[28] Ibid., p. 627.

[29] Ibid., p. 628.

[30] Ibid., p. 627.

[31] Op. cit., p. 112.

[32] Voir op. cit., p. 113.

[33] Op. cit., p. 315.

[34] Op. cit., p. 315.

[35] Op. cit., p. 416.

[36] Ibid., p, 418, note 22.

[37] Op. cit., p. 113.

[38] Op. cit., p. 628.

[39] Op. cit., pp. 320-321.

[40] Ibid., p. 319.

[41] Op. cit., p. 628.

[42] Op. cit., pp. 321-322.

[43] Op. cit., p. 71.

[44] Op. cit., p. 629.

 

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