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…… Une éloquence qu'on croirait divine. Remarques sur le Panégyrique de saint Paul.



Comme le Sermon du mauvais riche, le premier point du Panégyrique de saint Paul constitue une éloquente illustration des étonnantes contradictions dans lesquelles Bossuet est, à l'occasion, capable de tomber avec, semble-t-il, la plus parfaite inconscience. Non content de faire de la prédication de saint Paul, l'éloge le plus vibrant qui soit, Bossuet la considère comme l'idéal absolu auquel doit tendre toute prédication chrétienne. Il veut voir en saint Paul le modèle parfait dont doivent s'inspirer tous les prédicateurs chrétiens, celui que tous doivent essayer d'imiter de leur mieux.

On s'attendrait donc à ce que Bossuet fût le premier à faire dans ses sermons ce qu'il exhorte si ardemment tous les prédicateurs à faire; on s'attendrait à ce que, dans le Panégyrique de saint Paul plus que dans tout autre sermon, il s'employât à suivre du mieux possible l'exemple de saint Paul. Or non content de ne pas suivre l'exemple de saint Paul, il semble prendre pour modèle, dans tous ses sermons et tout particulièrement dans le Panégyrique de saint Paul, non pas le type de prédication que, selon lui, pratique et préconise l'apôtre, mais celui que, dit-il, il condamne expressément.

Bossuet a construit tout son panégyrique sur un paradoxe : c'est dans sa faiblesse que réside toute la force de saint Paul. Le « texte » que Bossuet a choisi de citer au début du Panégyrique est une phrase de la Seconde Epître aux Corinthiens : « Placeo mihi in infirmitatibus meis : cum enim infirmor, tunc potens sum. Je ne me plais que dans mes faiblesses : car lorsque je me sens faible, c'est alors que je suis puissant [1]». Et c'est cette phrase qui lui a fourni l'idée directrice en forme de paradoxe sur lequel le sermon tout entier est construit. Ce paradoxe, Bossuet va le retrouver dans les trois principaux « emplois » de l'apostolat de saint Paul, « la prédication, les combats, le gouvernement ecclésiastique » qui vont constituer successivement l'objet des trois points de son sermon.

Le premier point est donc consacré à montrer que la prédication de saint Paul tire toute sa force de son apparente faiblesse. À première vue, en effet, nous dit Bossuet, saint Paul est un bien piètre prédicateur : il présente mal, son élocution est rude, il ne sait construire ni ses phrases qui sont maladroites ni son discours qui est décousu. Il donne sans cesse l'impression d'une pénible improvisation. Sa prédication, pour ce qui est de la forme, se définit essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, selon Bossuet, par le refus de l'éloquence, le rejet de tous « les artifices de la rhétorique », l'expression sans apprêts des « vérités » chrétiennes. À l'exemple de saint Paul, l'orateur chrétien se définit essentiellement, selon Bossuet, par opposition à l'orateur profane : il refuse tout ce que celui-ci recherche, il fuit tout ce que celui-ci cultive.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'éloquence de Bossuet ne correspond guère à ce qu'est selon lui l'éloquence de saint Paul et à ce que devrait toujours être selon lui l'éloquence chrétienne : elle semble plutôt en être tout le contraire. Aussi est-il bien difficile de ne pas avoir envie de pouffer de rire, quand on lit sous la plume de l'éminent spécialiste de la prédication de Bossuet qu'était Jacques Truchet, cette phrase désarmante : « L'on n'oserait affirmer que Bossuet ait toujours banni la rhétorique, malgré les protestations que contient le Panégyrique de saint Paul [2]». Jacques Truchet croyait certainement faire preuve d'audace en suggérant très timidement que, malgré tout ce qu'il a pu dire contre la rhétorique dans le Panégyrique de saint Paul, Bossuet pourrait bien parfois avoir quelque peu cédé à ses attraits. En fait, non seulement Bossuet n'a, semble-t-il, jamais vraiment cherché à imiter saint Paul, mais il n'a pas tardé à s'en éloigner autant qu'il le pouvait. La relative simplicité de ses premiers sermons et de ses premières oraisons funèbres a bien vite laissé la place à une éloquence très somptueuse et solennelle, utilisant pleinement tous « les artifices de la rhétorique », qui fait de Bossuet le maître incontesté de l'art oratoire le plus savamment concerté qui ait jamais été mis en œuvre [3].

On se serait du moins attendu à ce que le Panégyrique de saint Paul tranchât sur les autres œuvres oratoires de Bossuet par une simplicité au moins relative. Or il n'en est rien et on se rend compte dès le début de l'exorde que Bossuet n'a nullement l'intention de renoncer aux effets qui lui sont habituels. En voici les deux premières phrases : « Dans le dessein que je me propose de faire aujourd'hui le panégyrique du plus illustre des prédicateurs et du plus zélé des apôtres, je ne puis vous dissimuler que je me sens moi-même étonné de la grandeur de mon entreprise. Quand je rappelle à mon souvenir tant de peuples que Paul a conquis, tant de travaux qu'il a surmontés, tant de mystères qu'il a découverts, tant d'exemples qu'il nous a laissés d'une charité consommée, ce sujet me paraît si vaste, si relevé, si majestueux, que mon esprit, se trouvant surpris, ne sait où s'arrêter dans cette étendue, ni que tenter dans cette hauteur, ni que choisir dans cette abondance; et j'ose bien me persuader qu'un ange même ne suffirait pas pour louer cet homme du troisième ciel [4]». Il n'est pas nécessaire de se livrer à une étude détaillée de ces deux phrases pour en faire apparaître le caractère très oratoire. Je me contenterai de relever le balancement rhétorique (« du plus illustres des prédicateurs et du plus zélé des apôtres ») de la première phrase, et l'ampleur de la seconde phrase, dans laquelle on trouve successivement un groupe quaternaire (« tant de peuples[…], tant de travaux[…], tant de mystères[…], tant d'exemples[…] ») construit, comme c'est si souvent le cas chez Bossuet, sur une cadence majeure, puisque le quatrième terme est presque deux fois plus long (17) que les trois premiers termes à peu près égaux (9.9.10) et deux groupes ternaires dont le premier (« si vaste, si relevé, si majestueux ») est construit lui aussi sur une cadence majeure (1.3.4), tandis que le second (« où s'arrêter dans cette étendue, ni que tenter dans cette hauteur, ni que choisir dans cette abondance ») est d'une parfaite régularité (9.9.9). Cette régularité des cadences est d'ailleurs très sensible tout au long de ces deux phrases dont les éléments sont presque tous à peu près de la même longueur (huit, neuf ou dix syllabes).

Ce caractère très oratoire, si sensible dès le tout début, se maintiendra bien sûr tout au long du panégyrique. Le contraire eût été surprenant, mais on aurait malgré tout pensé que, du moins dans le premier point, sans renoncer complètement aux effets qui lui sont chers, Bossuet les aurait dispensés avec plus de parcimonie. Or non seulement il n'en fait rien, mais, bien loin de réfréner si peu que ce fût son goût pour la rhétorique, il s'y abandonne plus que jamais et nous offre, dans ce domaine, une de ses pages les plus accomplies Si elle n'est certes ! pas aussi célèbre que le premier point du Sermon sur la mort ou le premier récit de la mort d'Henriette d'Angleterre, cela tient évidemment au sujet beaucoup moins susceptible de toucher et d'émouvoir les auditeurs. Car en ce qui concerne la beauté de la forme et la perfection rhétorique, elle ne le cède en rien à celles de ces pages si fameuses.

Les phrases mêmes dans lesquelles Bossuet dit que l'orateur chrétien, à l'exemple de saint Paul, ne doit pas chercher à faire de belles phrases, sont parmi les plus belles et les plus recherchées qu'il ait jamais écrites. Quand Verlaine dans son Art poétique dit à l'apprenti poète : « Prends l'éloquence et tords-lui son cou », il joint lui-même l'exemple à la parole en ayant recours à deux propositions laconiques, à une image familière et à une tournure volontairement incorrecte (« tords-lui son cou »). Bossuet fait tout le contraire. « N'attendez donc pas de l'apôtre ni qu'il vienne flatter les oreilles par des cadences harmonieuses ni qu'il veuille charmer les esprits par de vaines curiosités [5]» nous dit-il. On le voit, ce n'est pas l'exemple que Bossuet joint à la parole, mais le contre-exemple. Car cette phrase a évidemment un caractère très rhétorique qui se manifeste dans la construction rigoureusement parallèle des deux propositions complétives (ni qu'il vienne/ni qu'il veuille ; flatter/charmer ; les oreilles/les esprits ; par des cadences harmonieuse/par de vaines curiosités). Ce parallélisme est, de plus, souligné par des assonances et des allitérations (vienne/veuille; flatter/charmer) et plus encore par l'extrême régularité du rythme (ni qu'il vienne flatter les oreilles (9=3+3+3) par des cadences harmonieuses (9) ni qu'il veuille charmer les esprits (9=3+3+3) par de vaines curiosités (9). Au moment même où Bossuet dit le dédain de saint Paul pour la recherche des « cadences harmonieuses », il s'en fait le champion.

Et ce qui est vrai de cette phrase l'est de toute la page qui est nous offre un véritable festival de figures de style et dont les cadences sont très soigneusement calculées. Bossuet nous dit que le « discours » de saint Paul « bien loin de couler avec cette douceur agréable, avec cette égalité tempérée que nous admirons dans les orateurs, paraît inégal et sans suite à ceux qui ne l'ont pas assez pénétré ». Mais dans le même temps, son propre discours, bien loin d'être « inégal », constitue, plus que celui de n'importe quel autre orateur, un admirable remarquable exemple de « cette égalité tempérée » qu'il affecte de mépriser et qu'il cultive au moment même où il la dénigre (« avec cette égalité tempérée (10) que nous admirons dans les orateurs (10=5+5)»).

Mais, plus que tout autre sans doute, le passage suivant est particulièrement propre à montrer à quel point l'éloquence de Bossuet est aux antipodes de celle qu'il admire chez saint Paul : « Il ira, cet ignorant dans l'art de bien dire, avec cette locution rude, cette phrase qui sent l'étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs; et malgré la résistance du monde, il y établira plus d'Eglises que Platon n'y a gagné de disciples par cette éloquence qu'on a crue divine. Il prêchera Jésus dans Athènes, et le plus savant de ses sénateurs passera de l'Aréopage en l'école de ce barbare. Il poussera encore plus loin ses conquêtes, il abattra aux pieds du Sauveur la majesté des faisceaux romains en la personne d'un proconsul, et il fera trembler dans leurs tribunaux les juges devant lesquels on le cite. Rome même entendra sa voix; et un jour cette ville maîtresse du monde se tiendra bien plus honorée d'une lettre du style de Paul adressée à ses citoyens, que de tant de fameuses harangues qu'elle a entendues de son Cicéron [6]». Jacques Truchet lui-même, chez qui la qualité dominante n'était assurément pas l'esprit critique, semble avoir senti que ce passage était quelque peu incongru et il le commente en ces termes : « Faut-il prendre à la lettre ce magnifique développement ? Il n'est pas interdit d'en douter. Peut-être est-il en effet trop magnifique. Bossuet se laisse entraîner par son sujet. Néanmoins le thème de la condamnation de la rhétorique continuera de se manifester dans son œuvre [7]». On le voit, Jacques Truchet est embarrassé par « ce magnifique développement ». Il se rend confusément compte qu'il ne convient peut-être pas très bien. Mais son illogisme habituel l'empêche de voir où est celui de Bossuet. Il nous dit que Bossuet « se laisse entraîner par son sujet », mais, ce sujet étant « la condamnation de la rhétorique », loin de l'entraîner dans ce « magnifique » développement », il aurait dû le lui interdire absolument. Car loin d'être celle d'un « ignorant dans l'art de bien dire », cette admirable page est assurément celle d'un grand maître, d'un véritable magicien, d'un immense génie de la rhétorique. Loin de « sentir l'étranger », elle respire la grand siècle, on reconnaît tout de suite en elle un parfait produit de la grande époque du classicisme français.

Cela dit, Bossuet a raison lorsqu'il oppose aux « disciples » que Platon a gagnés les « églises » que saint Paul a fondées. Il a raison d'opposer l'Epître aux Romains aux discours de Cicéron et de suggérer que l'importance de celle-là est plus grande que celle de ceux-ci. Car il est bien vrai qu'au total, dans l'histoire de l'humanité, le rôle de saint Paul, sans qui le christianisme non seulement n'aurait pas été ce qu'il a été mais n'aurait peut-être même pas existé, a été beaucoup plus important que celui de Platon ou de Cicéron. Mais Bossuet devrait savoir qu'ici-bas ceux qui réussissent le mieux ne sont pas malheureusement toujours ceux qui en sont le plus dignes. Si l'audience de saint Paul, si son influence ont été et restent toujours très supérieures à celles de Platon ou de Cicéron, il n'est pas donc pas sûr pour autant qu'il le doive à des mérites qui seraient effectivement très supérieurs aux leurs, quoi que puisse dire Bossuet. Pour lui, bien que saint Paul ne sache pas faire de belles phrases, comme Platon et Cicéron, il possède des qualités beaucoup plus essentielles que ceux-ci n'ont pas. Derrière la faiblesse apparente de son éloquence se cacherait, en effet, une force toute puissante parce que surnaturelle. « Le discours de l'Apôtre est simple, nous dit-il, mais ses pensées sont toutes divines. S'il ignore la rhétorique, s'il méprise la philosophie, Jésus-Christ lui tient lieu de tout; et son nom qu'il a toujours à la bouche, ses mystères qu'il traite si divinement, rendront sa simplicité toute puissante [8].

Et certes Bossuet a encore raison de penser que la force de saint Paul réside dans les choses même qu'il dit beaucoup plus que dans la manière de les dire. Mais là où Bossuet se trompe du tout au tout, c'est dans le jugement qu'il porte sur les « pensées » de saint Paul qui seraient « toutes divines ». Selon lui, Saint Paul peut se permettre d'être un piètre orateur parce que Dieu parle par sa bouche et qu'il apporte enfin aux hommes la Vérité à laquelle ils aspirent sans le savoir. En réalité si saint Paul peut se permettre d'être un piètre orateur, c'est parce qu'il apporte aux hommes ce que la plupart d'entre eux veulent entendre, c'est-à-dire, non pas la vérité, mais bien au contraire le rêve et l'illusion. On ne séduit pas les foules par la beauté du discours et encore moins par la rigueur du raisonnement et la richesse de l'argumentation. Ce ne sont pas les philosophes, ce ne sont pas les savants, ce ne sont pas les sages qui mobilisent les masses. Comme Platon, ils ne gagnent que des disciples Il n'est donné qu'à des cinglés de fonder des églises. Pour enflammer les foules, il ne sert à rien d'être une lumière : il faut être un allumé [9]. Quand Bossuet dit que ce qui fait la force de saint Paul, c'est sa faiblesse, il ne croit pas si bien dire. Il pense que la faiblesse de saint Paul n'est qu'apparente, extérieure, superficielle et qu'elle masque une force infinie. Or cette faiblesse est, en réalité, très réelle, elle est intrinsèque, elle est essentielle Elle ne masque pas une force cachée : c'est elle et elle seule qui fait sa force. Car la force de saint Paul, c'est de raconter des histoires à dormir debout ; la force de saint Paul, c'est d'avoir le cerveau fêlé ; la force de saint Paul, c'est d'être fondu.

Bossuet, lui, n'est pas un allumé. Certes, comme la plupart de ses contemporains, il croit à de prétendues vérités qui ne sont qu'un tissu d'absurdités, mais, à la différence de saint Paul, il n'aurait jamais pu contribuer à leur invention. Bien plus, il y a gros à parier que, s'il avait vécu à l'époque de saint Paul et avait croisé son chemin, il serait resté totalement insensible à sa prédication. Peut-être même aurait-il réagi comme ces Athéniens qui lui riaient au nez lorsqu'il leur parlait de résurrection. Mais il vit seize siècles plus tard à une époque et dans un pays où la petite secte chrétienne est depuis bien longtemps la religion officielle et toute-puissante que seul un très petit nombre d'esprits ose contester. Bossuet est un homme d'ordre et de tradition et il a un respect inné pour les autorités établies. Il ne peut songer un seul instant à remettre en question des croyances qu'il a sucées avec le lait et auxquelles adhèrent depuis si longtemps la quasi totalité de ses compatriotes, les puissants en tête. Aussi, au lieu d'employer son intelligence à s'interroger sur leur bien-fondé, il s'acharne, au contraire, à les défendre envers et contre tout.

Mais, contrairement à saint Paul, Bossuet ne prêche jamais que des convertis. Parlant le plus souvent devant la cour ou devant des communautés religieuses, il ne s'adresse jamais qu'à des publics gagnés d'avance. Il ne dit jamais à ses auditeurs que les choses qu'ils s'attendent à lui entendre dire. Il ne fait que leur rappeler des « vérités » dont on leur a rebattu les oreilles depuis leur enfance. Aussi ce qu'il dit compte-t-il beaucoup moins que la façon dont il le dit. Ce que l'auditoire du Carême du Louvre lui demande, ce n'est pas de lui apprendre quelque chose, mais seulement de faire ce qu'il sait faire mieux que tout autre : de belles phrases, de très belles phrases. Ce qu'on attend de lui, ce sont des périodes savamment mesurées, des cadences admirablement calculées, une souveraine maîtrise de « l'art de bien dire ».

Bossuet ironise sur l'éloquence de Platon « cette éloquence qu'on a cru divine ». Mais la sienne vaut bien celle de Platon, comme elle vaut bien celle de Cicéron qu'elle rappelle si fortement, et on serait tenté aussi de la croire divine, si hélas ! les prétendues « vérités divines » qu'elle est censée servir ne nous rappelaient sans cesse par leur absurdité foncière que nous n'avons affaire qu'à un homme.


 

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NOTES :

[1] Œuvres oratoires de Bossuet, édit. de l'Abbé Lebarq, revue par Ch. Urbain et E. Levesque, Desclée de Brouwer, Paris, 1927, tome II, p. 316.

[2] La prédication de Bossuet. Étude des thèmes, Les Editions du Cerf, Paris, 1960, tome I, p. 30.

[3] Voici comment Henri Morier caractérise le style de Bossuet dans son livre, La Psychologie des styles, (Georg, Genève 1959, p. 164) : « Tout l'arsenal de la rhétorique ! Ici : parallélismes (constants) antithèses (très nombreuses) inversions et mises en évidence de telle fonction de la phrase (assez fréquentes) ; et la gradation, l'exclamation, ou l'interrogation rhétorique, le chiasme, l'apostrophe, la métaphore, la litote, la métonymie, l'euphémisme, la suspension ou trajectio, l'anaphore, la périphrase, le symbole, l'épanorthose, l'hyperbole, l'hypotypose (affaiblie par la noblesse et la hauteur du ton) Ailleurs, ellipses, asyndètes, antonomases, synecdoques, prolepses».

[4] Op. cit., pp. 316-317.

[5] Ibid., p. 325.

[6] Ibid., p. 326.

[7] Op. cit., tome I, p. 59.

[8] Op. cit., p. 326.

[9] C'est ce qu'a très bien dit l'abbé Dulaurens : « Trouvez-moi, je vous prie, un philosophe qui ait réussi à former des sectateurs aussi enthousiastes, aussi nombreux, aussi constants que le moindre chef d'ordre monastique ou de secte théologique ait fait […] Les philosophes de tous les temps ont fait des disciples et non des enthousiastes. Descartes, Newton, Locke ont fait des sectateurs; mais aucun d'eux ne s'est fait égorger pour soutenir le mécanisme des tourbillons, ou l'existence du vide, ou les lois de l'attraction, ou la fausseté des idées innées. Un homme aurait beau s'égosiller en répétant qu'il vient de trouver que la lumière, telle qu'elle part du soleil, n'est point homogène; que les différents rayons qui la composent sont sous le même angle d'incidence inégalement réfrangibles, et portent en eux-mêmes d'une manière inaltérable les couleurs dont les objets sont peints, personne ne l'écouterait. Mais qu'un autre homme s'avise de dire qu'il vient d'être battu par le diable et que Dieu lui a révélé quelque mystère inouï; qu'il débite, d'un ton inspiré, quelques opinions absurdes, quelque discours qui étonne, qui touche, qui épouvante le peuple ou l'éblouisse, je réponds du succès de sa mission : qu'il trouvera des partisans, des disciples, des sectateurs : le nombre, le zèle, la constance de ceux-ci augmenteront en proportion de l'impertinence des paradoxes que le chef aura débités, et des obstacles qu'on leur opposera. Ceux qui auront ri de ces sottises, ou qui les auront combattues, les embrasseront par la suite, ou par politique, ou par force, ou par faiblesse; le système de l'inspiré deviendra un dogme sacré qu'il faudra respecter, et la secte formera un corps dans l'état qu'il sera dangereux de détruire ou même d'irriter […] S. François a eu des visions; il les a débitées, et il en est sorti un des premiers ordres de la chrétienté. Ignace de Loyola s'est échauffé la cervelle en lisant Amadis des Gaules et la vie des Saints; il a couru les champs, il a eu aussi des visions qu'il a débitées, et il en est sorti une société encore plus fameuse que l'autre […] Je répète qu'il n'y a personne qui fasse des partisans plus zélés, plus constants, plus enthousiastes, plus propres à se multiplier, à s'étendre, à se soutenir, se perpétuer, qu'un homme qui a trouvé le secret de captiver l'esprit du peuple par quelque absurdité. Si les caïnites, par exemple, les carpocratriens, les éonites, les flagellants, les guillemettelins, ainsi que les dulcinistes, les bégards, les bisoques, les valésiens, les christiens, les hésicastes, ainsi que les turlupins et autres fous, ne se sont point soutenus jusqu'à ce jour; ce n'est point que leurs principes manquassent d'extravagance et d'absurdités; mais c'est que quelque autre secte, plus extravagante encore, les a éteints ou absorbés » (Le Compère Mathieu, Bibliopolis, Paris, 1911, pp. 148-150)

 

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