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II


Thérèse d'Avila ne serait jamais devenue la très grande mystique, la « géante de la spiritualité [1] » qu'elle a été, si elle n'avait été dotée d'une complète absence d'esprit critique et d'une parfaite inaptitude à la réflexion logique. Ce sont ces "qualités" qui lui ont permis de bénéficier de visions et de faveurs surnaturelles aussi innombrables qu'extraordinaires. Certes beaucoup d'autres avant elles avaient prétendu être favorisées de semblables manifestations divines, mais elle semble avoir en la matière battu tous les records.

C'est, bien sûr, le Christ qui est de très loin le principal personnage du fabuleux cinéma que Thérèse d'Avila va s'offrir à elle-même. Non seulement il va très souvent se montrer à elle, mais il va lui parler un nombre de fois incalculable [2], quoi que puisse dire Miguel de Unamuno [3], et de plus en plus longuement [4], parfois pendant une heure ou plus. Aussi est-il difficile de ne pas pouffer de rire lorsqu'elle prétend que le Christ lui a dit un jour : « Tu sais que je te parle quelquefois [5]». Ce « quelquefois » est impayable, mais le « tu sais » est sans doute plus comique encore. Le Christ semble n'être pas tout à fait sûr qu'elle a bien remarqué qu'il lui parlait ou penser qu'elle peut l'avoir oublié, mais sans doute se moque-t-il d'elle gentiment. Il est pourtant permis de penser que c'est plutôt l'inconscient de Thérèse d'Avila qui se paie ici sa tête : si elle-même pouvait ne pas savoir que le Christ lui parle, personne alors, pas même le Christ, ne pourrait le savoir, puisque c'est elle qui le fait parler.

S'il arrive parfois que le Christ lui fasse des reproches, ceux-ci ne tirent guère à conséquence, car ils restent très vagues et très généraux : c'est moins à elle personnellement qu'ils semblent être adressés, qu'à l'être humain qu'elle représente et qui, par rapport à Dieu, est nécessairement faible et pécheur [6]. Le plus souvent, pour ne pas dire presque toujours, mais je reviendrai à loisir sur ce point dans le chapitre prochain, les paroles que le Christ lui adresse sont des paroles de réconfort, d'approbation et de tendresse. Il lui dit de ne pas craindre, d'avoir confiance, il l'encourage à persévérer dans ses entreprises, il la remercie et la félicite pour ce qu'elle a déjà fait, il lui dit qu'il l'aime beaucoup, que son père et le Saint Esprit, eux aussi, l'aiment beaucoup [7]. Comme à une femme qu'on aime, il lui offre des bijoux, une croix en pierres précieuses [8] ou un magnifique anneau d'améthyste [9]. Le jour de l'inauguration du couvent de Saint-Joseph d'Avila, c'est le Christ lui-même qui la reçoit et lui met une couronne sur la tête [10]. Mais la plus grande faveur qu'il lui fait, celle qui comble véritablement tous ses vœux, c'est, un jour de novembre 1572, au couvent de l'Incarnation d'Avila, de lui donner sa main droite et de lui dire : « Regarde ce clou, c'est la marque que dès ce jour tu seras mon épouse; jusqu'ici tu ne l'avais pas mérité. Désormais tu auras soin de mon honneur, non seulement parce que je suis que ton Créateur, ton Roi et ton Dieu, mais encore parce que tu es ma véritable épouse. Mon honneur est le tien, et le tien est le mien [11]». Bien sûr, il s'abstient soigneusement de lui dire qu'il en a déjà épousées bien d'autres avant elle, comme Catherine d'Alexandrie, Angèle de Foligno ou Catherine de Sienne, qui ont cru, elles aussi [12], que le Christ les avait choisies entre toutes ? Mais Thérèse d'Avila peut-elle l'ignorer ? Ou choisit-elle de ne pas y penser ?

Si le Christ est le personnage principal des visions de Thérèse d'Avila, il est loin d'être le seul. Elle n'a jamais droit, semble-t-il à un tête-à-tête sans témoins avec Dieu le Père, mais elle a assez souvent l'honneur suprême de le voir - et il ne manque pas de se montrer fort aimable envers sa belle-fille spirituelle - soit en présence du Christ seul [13], soit, généralement en présence du Christ et du Saint-Esprit [14]. Celui-ci ne lui parle jamais, semble-t-il [15], et elle ne nous dit pas sous quelle forme elle le voit alors. Il est pourtant probable que c'est sous la forme traditionnelle d'une colombe; c'est en tout cas c'est sous cette forme qu'elle le voit un jour au-dessus de sa propre tête, à ceci qu'il s'agit alors d'une colombe un peu spéciale puisque ses ailes ont « de petites écailles » au lieu de plumes [16], et elle revoit d'ailleurs peu après cette même colombe au-dessus de la tête d'un dominicain [17]. Une autre fois, au moment de la communion, elle voit le Saint-Esprit, toujours sous la forme d'une colombe, s'ébrouer bruyamment dans un ciboire, au risque de faire voler en l'air toutes les hosties [18].

Elle voit aussi un certain nombre de fois la Vierge [19]. Ainsi elle la voit une fois, qui la revêt, aidée par saint Joseph, « d'un vêtement d'une éclatante blancheur » et lui passe autour du cou « un magnifique collier d'or, auquel était attachée une croix de grand prix [20]». Une autre fois il lui est accordé l'insigne privilège de voir comment s'est déroulée l'Assomption de la Vierge [21]. Une autre fois encore elle croit voir la Vierge venir s'installer à la place de sa statue qu'elle a fait mettre sur la stalle de la prieure et la remercier de l'avoir placée là [22]. Une autre fois enfin elle se voit en train de renouveler ses vœux entre les mains de la Vierge [23]. Outre saint Joseph qu'elle voit en compagnie de la Vierge, elle voit « souvent d'une manière très distincte  » saint Pierre et saint Paul [24]. Il lui arrive aussi de voir sainte Claire  [26].

Elle voit aussi, de leur vivant ou après leur mort, beaucoup de religieux qu'elle a rencontrés. Ainsi elle dit avoir « vu souvent environné d'une grande gloire » Pierre d'Alacantara [26]. Il lui apparaît notamment un an avant sa mort pour lui annoncer qu'il allait bientôt mourir et elle s'empressa de le lui apprendre, jugeant donc, semble-il, qu'il ne devait pas le savoir lui-même [27]. Elle le revoit au moment de sa mort où il lui dit qu'il va se reposer [28]. Elle le revoit encore à plusieurs fois après sa mort [29]. Elle voit aussi à plusieurs reprises le père Jérôme Gratien. La première fois, il se tient à la droite du Christ qui prend sa main droite pour l'unir à celle de Thérèse à qui il dit que ce père doit tenir sa propre place auprès d'elle [30]. Un peu plus tard, elle le voit « dans un bocage ou un jardin délicieux ». Il était « d'une beauté extraordinaire » et « portait sur la tête une sorte de guirlande toute de pierres précieuses », tandis qu' « un grand nombre de jeune filles marchaient devant lui, des rameaux à la main et chantant à Dieu des cantiques de louange », avec, en bruit de fond, « une musique de petits oiseaux et d'anges » [31]. Elle voit le père Pierre Ibanez que la Vierge revêt d' « un manteau d'une grande blancheur » [32]. Après sa mort, elle le revoit « plusieurs fois, dans une très grande gloire » et il lui révèle « diverses choses » [33]. « Plusieurs fois », elle voit et entend « un saint » appartenant aux Dominicains; elle voit aussi « six ou sept religieux » du même Ordre qui se placent devant elle « une épée à la main » [34]. « Plusieurs fois » encore, elle voit des religieux de la Compagnie de Jésus « dans le ciel, des bannières blanches à la mains » [35]. Elle voit le père Garcia « élevé de terre par les anges au milieu d'une très grande gloire  » et elle en conclut que « son âme montait rapidement vers la sainteté » [36]. Elle voit Catherine de Cardona « sous la forme d'un corps glorieux et entourée de plusieurs anges » qui, comme on pouvait s'y attendre, n'oublie pas de lui dire de continuer à fonder des monastères [37]. Inquiète pour la santé de son père et sans nouvelles de lui depuis longtemps, elle est rassurée par une vision qui lui montre son père, marchant sur un chemin, « l'air joyeux et le visage très blanc », comme l'ont, lui semble-t-il, « tous les habitants du ciel » et, faisant preuve ainsi d'une perspicacité qu'on ne saurait trop admirer, elle s'est « demandé si cette blancheur ne venait pas de la splendeur et de l'éclat qui jaillissent de Notre-Seigneur » [38].

Mais c'est principalement au moment de leur mort qu'elle a des visions relatives aux personnes qu'elle connaît. Ainsi huit jours après la mort de sa sœur, Marie, elle voit le Christ qui la conduit au ciel [39]. Nombreux sont les religieuses ou les religieux qu'elle voit sortir de terre à sa droite après un court séjour au purgatoire, de quinze jours, d'un jour et demi, de quatre heures… et monter au ciel [40]. Il est rare, en revanche, qu'elle voit des âmes aller directement au ciel sans avoir passé par le purgatoire. Elle n'en a connu que trois cas, dit-elle : un père jésuite, Pierre d'Alcantara et Pierre Ibanez [41].

Elle voit aussi d'innombrables anges qui meublent l'espace en voletant. À de très rares exceptions près, comme celle de l'épisode très célèbre de la Transverbération, ces anges ne font jamais rien de précis. Ils sont simplement là pour attester par leur présence de la grandeur et de la sainteté des personnages qu'ils entourent, leur nombre étant généralement proportionnel à cette grandeur et à cette sainteté. Quand il s'agit notamment de la Vierge, Thérèse d'Avila précise généralement qu'elle est entourée d'une « multitude », voire d'une « grande multitude d'anges » [42], et elle-même se voit, à l'occasion, « tout environnée d'anges » [43]. Il lui arrive aussi d'assister une fois à un combat entre des anges et des démons [44].

Car Thérèse d'Avila ne voit pas seulement le Christ, Dieu le Père, le Saint Esprit, la Vierge, beaucoup de saints et de pieux personnages, et quantité d'anges, elle voit aussi assez souvent le diable et de nombreux démons. J'ai déjà évoqué la vision du diable qui s'assoit sur son missel et celle des démons qui traînent avec de grands crocs le corps d'un homme dont on est en train de célébrer les obsèques. Dans une autre vision, elle voit, au moment de recevoir la communion des mains du prêtre, « deux démons d'une figure abominable, qui semblaient entourer de leurs cornes la gorge du pauvre prêtre  » [45]. Une autre fois, alors qu'elle s'inquiète pour le salut d'une âme qui lui paraît s'éloigner de Dieu, elle va être rassurée par la vision d'un « démon qui, plein de dépit, déchirait certains papiers qu'il tenait à la main  » [46]. Bien entendu, elle voit toujours le diable et les démons « sous une forme hideuse » [47], celle d'affreux petits nègres munis de cornes qui grincent des dents [48] et dégagent une odeur de souffre [49]. Elle les chasse en faisant des signes de croix ou en leur jetant de l'eau bénite, mais son expérience lui a appris que la seconde méthode était plus efficace, car elle ne les fait pas seulement fuir, comme la première, elle les empêche aussi de revenir, ce que ne fait pas la première [50]. Il arrive que le diable lui parle, et c'est bien sûr pour la menacer [51]. Elle dit aussi qu'il lui « semble parfois que les démons jouent à la balle avec [s]on âme » [52]. Mais elle affirme le plus souvent qu'elle ne les craint pas et n'en fait « pas plus de cas que si c'étaient des mouches » [53]. Non contente de voir souvent le diable et les démons, elle a eu enfin, au moins à deux reprises, le privilège de visiter leur royaume, l'enfer [54].

Au total, par le nombre et par la "qualité" de ses visions, Thérèse d'Avila a sans doute battu tous les records en la matière. Elle semble pourtant n'avoir jamais douté sérieusement de la réalité d'aucune d'entre elles. Certes elle a craint au début que ses visions et les voix qu'elle entendait, ne fussent l'œuvre du diable, ainsi que le pensaient certains de ses confesseurs Mais elle s'est assez vite persuadée qu'il n'en était rien parce que le Christ lui-même s'est chargé de la rassurer [55] et elle s'est dit que, loin de lui procurer, comme elles le faisaient, une profonde impression de paix et de réconfort, des paroles ou des visions produites par le démon l'auraient laissée dans un grand trouble et dans une vive agitation [56]. Et certes, s'il y a une chose qu'on peut lui accorder sans la moindre difficulté, c'est bien qu'effectivement elle n'était point le jouet du diable [57].

Mais elle était assurément le jouet de son imagination. Or cela, non seulement elle refuse absolument de l'admettre, mais même de l'envisager vraiment. Elle n'y a pensé, semble-t-il, que tout au début » [58]. Pourtant elle reconnaît volontiers la puissance de l'imagination, elle sait qu'elle peut faire voir ou faire entendre les choses que l'on veut voir ou entendre, et elle aime à mettre en garde ses religieuses contre des illusions auxquelles les femmes sont, pense-t-elle, particulièrement sujettes [59]. Elle se flatte d'ailleurs d'avoir un flair infaillible pour reconnaître, chez les autres, les visions imaginaires, et cela alors même que tout le monde, avant elle, s'y est laissé tromper [60]. Loin d'être exceptionnels, ces phénomènes sont, dit-elle, très fréquents : « Il est des personnes - j'en ai connu, non pas trois ou quatre, mais un grand nombre - qui, par suite de la débilité de leur imagination ou de l'inactivité de leur entendement, ou je ne sais quel autre motif, se trouvaient tellement remplies des fantômes de l'imagination qu'elles croient voir réellement tout ce qu'elles pensent. Si elles avaient eu de vraies visions, elles reconnaîtraient à n'en point pouvoir douter qu'elles sont dans l'erreur » [61].

Ces lignes sont véritablement ahurissantes. Non seulement elle ne songe pas à se demander si ce qu'elle dit des autres ne pourrait pas s'appliquer aussi et d'abord à elle-même [62], mais elle est persuadée que c'est parce qu'elle a, elle, l'expérience des vraies visions qu'elle peut tout de suite reconnaître celles qui sont fausses. Mais, si pour pouvoir distinguer les fausses visions des vraies, il faut pouvoir les comparer et donc avoir l'expérience des une et des autres, comment elle-même peut elle savoir que les siennes sont bien vraies, puisque, à l'en croire, elle n'en a jamais eu de fausses ? Elle ne songe même pas à se poser la question. À l'évidence elle est naïvement persuadée que les fausses visions ne sauraient procurer la même impression d'absolue certitude que les siennes lui donnent. Elle ne peut imaginer que ceux qui n'ont, selon elle, que de fausses visions, puissent éprouver comme elle l'inébranlable conviction qu'il est impossible qu'elles ne soient pas vraies. Comme si ceux qui ont des hallucinations n'étaient pas toujours persuadés qu'ils ne sont pas victimes d'hallucinations ! comme si les illuminés avaient jamais conscience d'être des illuminés ! comme si les allumés se prenaient jamais pour des allumés !

Car la grande raison, la raison fondamentale qui lui fait croire que ses visions et les paroles qu'elle entend ne peuvent être que vraies, c'est simplement qu'elle en a l'intime conviction [63]. Que de fois, évoquant telle ou telle vision, elle affirme qu'il est absolument impossible de l'attribuer à l'imagination [64]. La meilleure preuve, pense-t-elle, que ses visions ne peuvent être le produit de l'imagination, c'est que la beauté, la richesse de ce qu'elle voit surpassent infiniment tout ce que l'imagination est capable de concevoir [65]. Mais elle ne songe pas à se demander si cette impression n'est pas précisément le produit de son imagination. Elle se dit que, si elle voit des choses qu'elle serait totalement incapable d'imaginer, c'est bien que son imagination n'est pour rien dans ses visions. Mais elle ne songe pas à se demander si elle voit vraiment des choses qu'elle ne pourrait imaginer; elle ne songe pas à se demander si ce n'est pas son imagination qui lui fait croire qu'elle voit des choses qu'elle ne saurait imaginer [66].

Pourtant, si elle avait vraiment voulu envisager sérieusement cette hypothèse, elle aurait vite trouvé d'innombrables raisons de penser que ses visions étaient bien le fruit de son imagination. Elle affirme qu'elle voit des choses que l'imagination ne saurait concevoir. Mais, s'il n'y a aucune raison de douter qu'elle ait effectivement cette impression pendant tout le temps qu'elle est en extase, comment ne pas penser que c'est là précisément une illusion produite par l'extase ? Comment, en effet, expliquer autrement que, dès que celle-ci est finie, elle soit parfaitement incapable de dire quoi que ce soit de précis qui puisse prouver qu'elle a bien vu des choses que l'imagination ne saurait concevoir ? Au lieu de cela, ce qui frappe le plus dans ses visions, c'est qu'elle sont toujours terriblement conventionnelles, toujours parfaitement conformes à l'imagerie traditionnelle, à l'exception, reconnaissons-le, de la colombe aux ailes munies d'écailles, mais ce détail ne semble guère être de nature à convaincre beaucoup de personnes de l'authenticité de la vision. Elle-même note à l'occasion les ressemblances qu'il y a entre certaines de ses visions et certaines peintures [67], sans songer pour autant à se demander si ces peintures ne sont pas à l'origine de ces visions. Mais ce ne sont pas seulement quelques-unes de ses visions, c'est l'ensemble de ses visions qui apparaît comme le fidèle reflet des peintures et des images qu'elle a pu voir, ou des descriptions qu'elle a pu lire dans les ouvrages de piété. Qu'il s'agisse du Christ [68], toujours d'une blancheur éclatante, ou de la Vierge, bien sûr toujours vêtue de blanc et qui ne fait vraiment pas son âge [69], ou de Jérôme Gratien « dans un bocage ou un jardin délicieux » [70], les visions de Thérèse d'Avila ressemblent toujours aux images pieuses les plus conventionnelles. Quant à ses diables et ses démons, ils sont toujours, nous l'avons vu, parfaitement caricaturaux, et sa description de l'enfer ne l'est pas moins [71].

Mais peut-être plus instructive, plus révélatrice encore est la façon dont elle parle du Saint-Esprit quand elle évoque les nombreuses visions qu'elle a eues de la Trinité. Elle note qu'à la différence du Christ, qui lui parle si volontiers et de Dieu le Père, qui ne dédaigne pas de lui adresser à l'occasion quelques paroles très affectueuses, le Saint-Esprit, lui, ne lui parle jamais [72]. D'ailleurs, je l'ai dit, elle ne nous dit pas si elle le voit alors sous une forme humaine comme le Christ et Dieu le Père, ou si elle le voit sous la forme d'une colombe, comme c'est toujours le cas dans les autres occasions. En fait, on a l'impression qu'elle ne le voit pas vraiment : elle sait plutôt qu'il est là, parce qu'il ne peut pas ne pas être là : il ne peut y avoir de visions de la Trinité sans le Saint-Esprit. Et il n'y a rien d'étonnant à cela. Si, dans ses visions de la Trinité, elle a l'impression que le Saint-Esprit reste toujours en retrait, cette impression ne fait que refléter ce que, dans le jargon journalistique d'aujourd'hui, on appellerait son rapport ordinaire au Saint-Esprit. Bien sûr, elle croit au Saint-Esprit, elle serait prête à souffrir mille morts plutôt que de mettre en doute un seul instant son existence : on lui a toujours dit qu'il fallait y croire et cela lui suffit. Mais, même si elle ne s'en rend pas clairement compte, elle ne le "sent" pas vraiment. En cela, elle s'accorde d'ailleurs parfaitement avec le sentiment général de tous les chrétiens : ils ne "sentent" pas le Saint-Esprit, ils ne l'ont jamais "senti" et vraisemblablement ils le "sentiront" toujours de moins en moins. Si un institut de sondage faisait une enquête auprès d'un grand nombre de chrétiens en leur demandant « quel est votre rapport au Saint-Esprit ? », ils répondraient sans doute qu'ils ont beaucoup de considération, beaucoup de respect pour le Saint-Esprit, qui a d'immenses, d'inappréciables qualités, mais qu'ils le trouvent trop réservé et manquant par trop de chaleur humaine et que, par conséquent, ils n'ont pas avec lui de relation vraiment personnelle. Et les enquêteurs concluraient que l'image du Saint-Esprit souffre d'un "déficit de présence" et lui conseilleraient de suivre un stage de communication.

À l'évidence, la communication ne s'est jamais vraiment établie entre le Saint-Esprit et Thèrèse d'Avila. La question qu'on peut alors se poser est la suivante  : à quoi lui sert que le Saint-Esprit apparaisse dans ses visions, si son image reste toujours aussi floue, pour ne pas dire aussi irréelle ? Comment ne pas regretter, puisqu'elle a eu l'insigne privilège d'être une intime du cercle si fermé que constitue la Trinité, qu'elle n'ait pu ou su en profiter pour nous en apprendre un peu plus sur le Saint-Esprit et peut-être corriger l'image bien froide qu'on se fait de lui On ne s'attendait certes pas à ce qu'elle nous révélât que le Saint-Esprit était un boute-en-train ou un excentrique, mais on aurait été heureux d'apprendre qu'il n'était pas toujours aussi distant qu'on le pense généralement.

Elle ne cesse de répéter que l'autre monde est très différent de celui que nous connaissons et qu'il est tout à fait vain d'essayer d'imaginer celui-là à partir de celui-ci. Mais qu'il s'agisse du ciel ou de l'enfer, comme tous les gens de son époque et toute la tradition chrétienne, elle ne cesse de se représenter l'autre monde sur le modèle du seul qu'elle connaisse, celui-ci. Non contente de rassembler en enfer tout ce qui lui fait peur et tout ce qui la dégoûte ici-bas, elle ne craint pas d'y introduire, à l'occasion, des pratiques terrestres qui paraissent quelque peu incongrues en un tel lieu. C'est le cas, nous l'avons vu, quand, préoccupée par le sort d'une âme qu'elle espère revenue à Dieu, elle voit un démon qui déchire des papiers. Gageons que, de nos jours, elle verrait le démon effacer un nom sur son écran d'ordinateur. Elle dit volontiers son dédain pour les grandeurs terrestres [73], mais c'est toujours à l'image des grandeurs terrestres qu'elle se représente les grandeurs célestes. Au ciel, comme dans les palais des rois, il y des trônes [74] où s'assoient sans doute Dieu le Père, le Christ et la Vierge (on imagine mal, en revanche, le Saint-Esprit s'asseyant sur un trône : il est trop insaisissable, il tient trop du courant d'air pour s'asseoir quelque part, à plus forte raison sur un trône). Comme à la cour des rois, on porte des couronnes, des diadèmes et des diamants étincelants. Et, nous l'avons vu, de même que les rois et les grands sont toujours entourés d'innombrables domestiques dont la principale et souvent la seule fonction est de leur rappeler sans cesse leur grandeur, les personnes divines, la Vierge et les élus sont toujours entourés d'une multitude d'anges qui témoignent de leur sainteté.

Mais Thérèse d'Avila ne songe jamais à s'étonner que les scènes qu'elle voit dans ses extases ne fassent jamais que reproduire celles que lui offrent l'art, les récits et les réalités d'ici-bas, même si, lui semble-t-il, elles s'en distinguent par une beauté et notamment un éclat de la lumière que les hommes ne sauraient imaginer [75]. Elle ne voit, elle ne veut voir, en effet, aucune des raisons qui pourraient la convaincre ou à tout le moins lui faire soupçonner qu'elle est le jouet de son imagination. Ainsi elle note que le Christ ne s'est montré à elle que d'une manière progressive, lui laissant d'abord voir seulement ses mains, puis son visage et enfin sa personne entière, sans pourtant, à son grand regret, jamais lui laisser voir la couleur de ses yeux ni lui faire connaître ses mensurations [76]. Elle se l'explique en se disant que le Christ, dans un souci très pédagogique, a voulu ménager sa faiblesse et l'habituer peu à peu à voir dès ici-bas ce que normalement seuls les bienheureux peuvent voir après leur mort [77]. Et c'est certainement de la même façon qu'elle expliquerait le fait que le Christ, d'abord très laconique avec elle, s'est montré par la suite de plus en plus prolixe. Loin de s'inquiéter du développement progressif de ses extases et de ses visions, qui logiquement ferait plutôt penser à un processus naturel, elle veut y voir, au contraire, une preuve supplémentaire de leur origine divine [78]. Il ne lui vient pas à l'esprit qu'un apprentissage est toujours progressif et que celui du délire et de la folie n'échappe pas à la règle. Comme les autres créations humaines, celles du délire et de la folie ne parviennent jamais d'emblée à leurs formes les plus élaborées, mais sont les fruits de plus en plus riches et de plus en plus complexes d'un lent processus de maturation. Elle croit que Dieu a voulu la préparer peu à peu à recevoir ses faveurs les plus hautes, mais c'est elle qui s'est installée progressivement dans le rêve et dans l'illusion, c'est elle qui s'est enfermée de plus en plus dans son délire, c'est elle qui s'est enfoncée tous les jours davantage dans sa folie.

Si Thérèse d'Avila avait eu un peu de sens critique, elle aurait pu aussi s'étonner des circonstances dans lesquelles se produisaient habituellement ses extases. Elle aurait pu s'étonner que, sauf exceptions rarissimes [79], elles ne se produisaient jamais à l'improviste, dans n'importe lieu et à n'importe quel moment, mais toujours à des moments privilégiés, lorsqu'elle se trouvait dans des lieux, oratoires, chapelles ou églises, ou dans des dispositions d'esprit particulièrement propices, comme d'ailleurs elle le remarque elle-même : « d'ordinaire, Dieu choisit pour me faire une grâce particulière le moment où je viens de m'anéantir au plus intime de moi-même » [80]. En effet, ses extases se produisent presque toujours soit lorsqu'elle est déjà en oraison [81], soit lorsqu'elle assiste à un office, qu'il s'agisse des heures [82], ou le plus souvent de la messe. Et, lorsque l'extase a lieu pendant la messe, c'est, bien sûr, là encore à un moment privilégié qui peut être l'élévation [83], mais qui est le plus souvent la communion [84]. Qui plus est, la nature de l'extase est toujours en relation avec le moment où elle se produit. Lorsqu'elle se produit au moment de la communion, c'est, on s'en doute, le Christ que Thérèse d'Avila va voir ou entendre [85], à moins qu'elle n'ait l'impression d'avoir sa bouche remplie de son sang [86]. La Vierge, elle, lui apparaît le jour de l'Assomption [87]», le jour de la Nativité de Notre-Dame [88] ou bien lorsqu'on entonne le Salve Regina [89], le Saint Esprit « la veille de la Pentecôte » [90] ou sainte Claire le jour de sa fête [91]. Quand il s'agit d'apparitions de gens qu'elle connaît, elles se produisent généralement à un moment où elle pense tout spécialement à eux, soit parce qu'elle vient d'apprendre leur mort [92] ou parce qu'elle s'inquiète pour eux [93]. Si les âmes qu'elle voient sortir de terre pour monter au Ciel, ne sont restées que quelques heures ou quelques jours au purgatoire, alors qu'elle n'en voit jamais faire la même chose au bout de plusieurs mois ou de plusieurs années, c'est sans doute pour la même raison. D'une manière plus générale, on peut dire que les visions de Thérèse d'Avila ont quasiment toujours un étroit rapport avec ses préoccupations et ses inquiétudes.

Si on le lui avait fait remarqué, Thérèse d'Avila aurait sans doute répondu qu'il n'y avait là rien là dont on dût s'étonner et n'aurait pas manqué de nous inviter à admirer l'infinie prévenance de la divine Providence, toujours soucieuse d'aller au-devant de ses préoccupations et de ses inquiétudes, que Dieu connaît encore mieux qu'elle ne les connaît elle-même. Mais, bien qu'elle ait une exceptionnelle disposition à écarter toutes les interrogations embarrassantes, il y en a une qu'elle ne peut éviter, et à laquelle elle n'a, et elle n'aurait, quand bien même elle consacrerait le plus clair de son temps à essayer de la trouver, aucune réponse un tant soit peu satisfaisante à apporter. Comment, en effet, pourrait-elle ne pas s'étonner, elle qui se plaît à dire qu'elle se regarde comme la plus misérable de toutes les créatures, que Dieu lui accorde à elle beaucoup plus de faveurs surnaturelles qu'il n'en a jamais accordé à aucune autre créature ? Comment pourrait-elle ne pas se dire qu'il y a eu avant elle, qu'il y a autour d'elle et dans les autres monastères d'innombrables religieuses très pieuses, qui passent toute leur vie à se mortifier, à prier et à adorer le Seigneur sans que celui-ci ne se manifeste jamais à elles, si ce n'est à un tout petit nombre et de manière généralement très exceptionnelle ? Comment pourrait-elle ne pas se dire qu'il y a quantité de saints, de grands saints, de très grands saints qui n'ont jamais eu le privilège de voir ou d'entendre le Seigneur, ou qui ne l'ont eu que très rarement ? Comment pourrait-elle ne pas se dire que les plus grands personnages de l'histoire chrétienne eux-mêmes, comme Abraham, Moïse ou saint Paul, n'ont reçu, en matière de faveurs surnaturelles, qu'une infime portion de ce qu'elle a reçu elle ? Pourquoi Dieu la comblerait-il de ses faveurs alors qu'il en prive totalement tant d'autres qui sembleraient les mériter autant qu'elle, ou, du moins, qu'il ne les leur accorde que parcimonieusement, comme il ne les accorde que parcimonieusement à ceux-là même qui sembleraient les mériter bien davantage qu'elle même ? L'extraordinaire traitement de faveur dont Thérèse d'Avila croit bénéficier de la part de Dieu apparaît parfaitement inexplicable et l'on aurait pu lui dire ce que Pierre Janet dira à Madeleine : « L'amour est un commerce où chacun trouve à gagner quelque chose : je vois bien ce que vous gagnez à cette Union [avec Dieu] , mais je voudrais savoir ce que Dieu y trouve pour lui-même. Pourquoi Dieu vous a-t-il choisie entre toutes les femmes ? Quelle satisfaction exceptionnelle lui procurez-vous qui justifie cet amour de dilection [94] ?  »

Aussi bien n'a-t-elle, en effet, pas pu s'empêcher, du moins dans les premiers temps, de s'étonner de ces faveurs qu'elle n'était pas sûre d'avoir vraiment méritées et que pour cette raison, elle était gênée d'avouer à son confesseur : « Je ne savais que faire car j'éprouvais une honte extrême à me présenter à mon confesseur pour lui rapporter pareille chose. Ce n'était point par humilité ce me semble, mais par crainte qu'il ne se moquât de moi et ne me dît : Etes-vous un saint Paul ou un saint Jérôme, pour contempler les choses du ciel ? La pensée que ces glorieux saints avaient été favorisés de grâces de ce genre redoublait mes alarmes » [95]. Elle aurait même dû se dire qu'elle était beaucoup plus favorisée qu'eux puisque ce qui est quasi habituel chez elle n'était eux que très exceptionnel. Mais, n'ayant pas trouvé de réponse à une question à laquelle, il est vrai, on ne voit aucunement pas quelle réponse un tant soit peu satisfaisante on pourrait apporter, elle a pourtant trouvé très vite le moyen de surmonter ses doutes. Pour se persuader qu'elle n'était pas la victime de son imagination, il lui a suffi de faire de nouveau appel à son imagination; pour se conforter dans sa folie, il lui a suffi de s'y enfoncer un peu plus; pour se convaincre que ce quelle goûtait dans ses extases, c'était bien, si indigne qu'elle pût s'en juger, l'union avec Dieu, il lui a suffi de se figurer que le Christ lui-même s'adressait à elle pour la rassurer : « Je me demandais donc comment votre justice permettait qu'un si grand nombre de vos fidèles servantes fussent privées des consolations et des faveurs que vous m'accordiez à moi, malgré toutes mes misères. Vous me répondîtes alors, Seigneur : Sers-moi et ne t'occupe point d'autre chose. Ce fut la première parole que j'entendis de vous, et elle me remplit d'effroi » [96]. Il ne lui vient pas à l'esprit de se dire que, si elle est la victime de son imagination lorsqu'elle croit être unie à Dieu dans l'extase, il peut en être de même lorsqu'elle croit que Dieu lui parle. La parole du Christ tombait trop bien à point pour qu'elle songeât à douter de son authenticité. Elle nous dit qu'elle l'a remplie d'effroi, mais cette première parole du Christ était pour elle, c'est le cas de le dire, véritablement providentielle. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le Christ a été singulièrement bien inspiré - sans doute le Saint-Esprit lui en avait-il soufflé l'idée - de commencer par lui dire qu'elle ne devait pas chercher à comprendre pourquoi elle bénéficiait de tant de faveurs surnaturelles. Car celles-ci vont rapidement devenir si nombreuses et prendre des formes tellement exceptionnelles qu'il aurait dû lui paraître de plus en plus incompréhensible de se voir comblée de beaucoup plus de faveurs qu'aucune autre créature n'en a jamais reçues depuis le commencement du monde. Et il est probable que la première parole du Christ a grandement facilité la multiplication et l'amplification de ces phénomènes extatiques.

Mais cette première parole du Christ ne va pas seulement rassurer sur ce point Thérèse d'Avila et ainsi favoriser le développement de sa folie mystique; elle va aussi lui fournir le moyen aussi simple qu'infaillible de surmonter tous les doutes, toutes les hésitations qu'elle aura à l'avenir, notamment dans ce qui va devenir sa principale raison de vivre, la fondation de ses couvents. En prêtant au Christ cette première parole, Thérèse d'Avila n'a pas trouvé seulement une réponse à la question qu'elle se posait alors, ou plutôt, mais pour elle cela revenait au même, le moyen de ne plus se la poser : elle a trouvé aussi une fois pour toutes la solution de tous ses problèmes futurs, le remède miracle contre tous les doutes, tous les scrupules qui pourront l'assiéger dans l'avenir.


 

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NOTES :

[1] Selon l'expression employée par Henri Fesquet, le chroniqueur religieux du Monde, dans son compte rendu du livre de Paul Werrie.

[2] Si l'on faisait seulement le compte de toutes les fois où elle nous dit que le Christ lui a parlé et où elle nous rapporte ses propos, on arriverait déjà à un chiffre considérable. Elle-même se plaît d'ailleurs à souligner combien ce phénomène est fréquent : « Non, il n'y a plus ni savoir ni satisfaction d'aucun genre qui ait la moindre valeur quand je les compare au plaisir d'entendre une seule parole proférée par cette bouche divine  : que dire quand on en a entendu un si grand nombre! » (La Vie de sainte Thérèse, ch. 37, p. 351). Mais elle ne prétend nullement être exhaustive sur ce point. Bien au contraire, elle dit volontiers que le Christ lui parle si souvent qu'il lui est impossible de le mentionner à chaque fois ni même de s'en souvenir : « Au milieu de cette épreuve et de circonstances bien faites pour me troubler, j'entendais Notre-Seigneur m'adresser ces paroles, qui eurent depuis leur entier accomplissement : Pourquoi crains-tu ? Ne sais-tu pas que je suis tout-puissant ? J'accomplirai ce que je t'ai promis. À l'instant, je me sentais remplie d'une telle vigueur, que j'étais prête, dût-il m'en coûter bien davantage, à m'engager pour son service en d'autres entreprises encore et à recommencer tout de nouveau à souffrir. Ceci s'est renouvelé tant de fois que je n'en saurai dire le nombre » (Ibid.,, p. 237); « Les révélations relatives à celui dont je parle [le père Garcia] ont été très nombreuses. Je vais en rapporter une » (Ibid., p. 322); « Bien souvent il me dit […] » (Ibid., p. 379); etc.

[3] « On ne voit pas que l'Epoux descende à chaque instant pour bavarder avec elle », écrit-il dans L'Essence de l'Espagne (Gallimard, cité par O. Renault, op. cit., p. 146). C'est à croire qu'il ne l'a pas lue de bien près. Certes le Christ ne bavarde pas « à chaque instant » avec elle, mais il le fait extrêmement souvent, beaucoup plus souvent qu'il ne l'a jamais fait avec personne d'autre.

[4] Au début le Christ ne lui dit qu'une ou deux phrases assez brèves : « Sers-moi et ne t'occupe point d'autre chose » (La Vie de sainte Thérèse, ch. 19, p. 174); « Je ne veux plus que tu converses avec les hommes mais avec les anges » (Ibid., ch. 24, p. 222); « N'aie point peur, ma fille, c'est moi, je ne t'abandonnerai pas. Ne crains rien » (Ibid., ch. 25, p. 233); « Pourquoi crains-tu ? Ne sais-tu pas que je suis tout-puissant ? J'accomplirai ce que je t'ai promis » (Ibid., ch. 26, p. 237); « Ne t'afflige pas, ne crains rien » (Ibid., ch. 30, p. 277). Mais, par la suite, il deviendra de plus en plus disert, lui demandant, par exemple, de transmettre aux carmes déchaussés un message en quatre points (Relations spirituelles, LIX,, p. 465, Voir aussi La Vie de sainte Thérèse, ch. 39, p. 381 et Relations spirituelles, VI, XXVI, LXIII, et LXIV, pp. 417-418, 430, 466 et 467).

[5] Relations spirituelles, LII, p. 446.

[6] « Un soir, tandis que j'étais en oraison, le divin Maître m'adressa quelques paroles qui me remettaient en mémoire les grandes fautes de ma vie. Elles me remplirent de confusion et de peine » (La Vie de Sainte Thérèse, ch. 38, p. 362).

[7] « Mon Père prend ses délices en toi et tu es aimée de l'Esprit Saint » (Relations spirituelles, X,, p. 419.

[8] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch.29, p. 265 : « Un jour que je tenais une croix à la main - c'était celle d'un chapelet - il me la prit. Quand il me la rendit, elle était formée de quatre grandes pierres, bien plus précieuses que des diamants, sans aucune comparaison. De fait, il n'est guère possible d'en établir une entre ce qui est terrestre et ce qui est surnaturel, et à côté des pierres précieuses de là-haut, les diamants d'ici-bas paraissent faux et de nulle valeur. Sur cette croix, les cinq plaies se trouvaient finement ciselées. Notre-Seigneur me dit que désormais je la verrais ainsi, ce qui s'est vérifié : à partir de ce jour, je ne vis plus le bois dont elle était faite, mais seulement les pierres dont je parle. À la vérité, j'étais seule à les apercevoir ».

[9] « Un jour, au couvent de Veas, Notre-Seigneur me dit qu'étant son épouse je pouvais lui adresser des demandes, et il me promettait d'exaucer toutes celles que je lui présenterais. Comme gage de cette promesse, il me donna un bel anneau, où se trouvait une pierre assez semblable à une améthyste, mais bien différente pour la splendeur de celles d'ici-bas, et il me mit cet anneau au doigt » (Relations spirituelles, XXVIII, p. 431).

[10] « Ce fut pour moi un jour de grande consolation que celui de notre entrée. Avant de pénétrer à l'intérieur du monastère, je fis oraison dans l'église. Là étant presque en ravissement, je vis Jésus-Christ qui semblait me recevoir avec beaucoup d'amour, et, me mettant une couronne sur la tête, me témoignait sa satisfaction de ce que j'avais fait pour sa mère » (ibid., ch. 36, p. 345).

[11] Relations spirituelles, XXV, p. 429.

[12] Et il y en aura beaucoup d'autres après elle, si bien qu'on pourrait dire du Christ ce que Sganarelle dit de Dom Juan : « C'est l'épouseur du genre humain » (Molière, Dom Juan, acte II, scène 4).

[13] Voir ce passage des Relations spirituelles  : « Etant en oraison, j'eus un grand ravissement; il me sembla que Notre-Seigneur m'avait conduite en esprit auprès de son Père. Il lui dit : Celle que vous m'avez donnée, je vous la donne. Il me sembla aussi que le Père s'approchait de lui. Ceci se passa sans aucune image, mais avec une certitude très grande, et une délicatesse si spirituelle qu'elle ne peut s'exprimer. Le Père me dit certaines paroles dont j'ai perdu le souvenir; je sais seulement que quelques-unes étaient pour m'assurer qu'il me ferait miséricorde. il me tint auprès de lui un certain temps » (XII, p. 420).

[14] Voir notamment ce passage des Relations spirituelles : « Je me trouvai ensuite dans l'oraison qui m'est ordinaire, et où mon âme jouit de la présence de la très sainte Trinité. Il me sembla que la Personne du Père s'approchait d'elle et m'adressait des paroles pleines de douceur. Elle me dit entre autres choses, en me témoignant beaucoup d'amour : Je t'ai donné mon Fils, l'Esprit-Saint et la Vierge. Et toi, que pourras-tu me donner ? » (XXI,, p. 427).

[15] C'est du moins ce que semble indiquer ce passage des Relations spirituelles : « Pour la Personne qui me parle d'ordinaire, je puis indiquer positivement qui il paraît être; mais pour les autres je ne saurais l'affirmer. Il y en a une, je le sais très bien, qui ne m'a jamais adressé la parole. J'en ignore la raison, car je ne me mêle jamais de rien demander au-delà de ce que Dieu m'accorde; je croirais m'exposer à être trompée par le démon. Je me garderai donc bien, pour le même motif, de m'en informer à présent. La première Personne m'a parlé quelquefois, ce me semble; mais comme je ne m'en souviens pas bien, non plus que de ses paroles, je n'oserais pas l'assurer » (LIV,, p. 462). Bien qu'elle ne le précise pas, la Personne qui lui parle d'ordinaire est évidemment le Christ. Elle ne semble pas absolument sûre ici que le Père lui ait parlé quelquefois, mais elle l'a dit clairement ailleurs, nous l'avons vu. Il en résulte que la personne qui ne lui parle jamais ne peut être que le Saint-Esprit.

[16] « Je vis alors au-dessus de ma tête une colombe fort différente de celles d'ici-bas, car elle n'avait pas de plumes comme les leurs. Ses ailes étaient formées de petites écailles, qui jetaient un vif éclat; elle était aussi plus grande qu'une colombe ordinaire. Il me semblait entendre le bruit qu'elle faisait avec ses ailes. Elle les agita environ l'espace d'un Ave Maria  » (ibid., p. 360)

[17] Ibid., p. 361. C'est la même colombe, mais nous dit-elle, « les rayons de splendeur qui partaient de ses ailes semblaient s'étendre beaucoup plus loin. Je compris que ce père devait gagner beaucoup d'âmes à Dieu ».

[18] « Peu de temps auparavant, comme je m'avançais pour communier, j'avais vu, avant de recevoir l'hostie et tandis qu'elle était encore dans le ciboire, une sorte de colombe qui agitait les ailes avec bruit. J'en fus troublée et ravie hors de moi-même, au point que je dus faire un grand effort pour recevoir l'hostie » (Relations spirituelles, XIII, p. 423).

[19] Elle évoque six visions de la Vierge, mais elle en a peut-être eu d'autres.

[20] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 33, pp. 312-313. Madeleine, la malade de Pierre Janet, a le même genre de visions : « Une nuit j'ai vu la très sainte Vierge avec un costume d'or et une couronne de reine, elle planait dans l'air et ses vêtements étaient tout couverts de diamants. Ceux de sa couronne étaient les plus gros et les plus beaux, une auréole de lumière l'environnait. Elle me regardait avec une bonté ineffable et de ses deux mains, elle détachait les diamants qui l'ornaient pour les jeter sur moi. Elle prenait aussi ceux de sa couronne pour les jeter particulièrement sur ma tête. C'était une pluie de diamants et de pierres précieuses qui tombaient sur moi comme des flocons de neige. Impossible de dire la beauté de ce spectacle que je n'oublierai jamais. En même temps j'entendais dire intérieurement que ces diamants et ces pierres précieuses étaient l'image des Ave Maria que j'avais dits en l'honneur de Marie. La très sainte Vierge en avait été glorifiée, mais elle me les rendait en pluie de grâces qu'elle obtenait pour moi de son divin Fils » (op. cit., p. 376). Certes, celle de Madeleine a un caractère encore plus caricatural que celle de Thérèse d'Avila (les diamants et les pierres précieuses pleuvent « comme des flocons de neige »), mais les deux visions n'en sont pas moins très proches.

[21] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 39, p. 382.

[22] Voir Relations spirituelles, XXI, pp. 426-427.

[23] Voir Relations spirituelles, XXXVII, p. 439.

[24] La Vie de sainte Thérèse, ch. 29, p. 264

[25] Voir Ibid., ch. 33, p. 311-312.

[26] Voir Ibid., ch. 27, p. 250.

[27] Ibidem.

[28] Ibidem.

[29] Voir Ibid., ch. 36, p. 344.

[30] Voir Relations spirituelles, XXIX, p. 432.

[31] Relations spirituelles, XXXIV, p. 437.

[32] La Vie de sainte Thérèse, ch. 38, p. 361.

[33] Ibidem.

[34] Ibid., ch. 40, p. 389. Il lui arrive aussi, à deux reprises, de voir « un dais fort riche » apparaître au-dessus de la tête de pères jésuites en train de communier (ibid., ch. 39, p. 382).

[35] Ibid., ch. 38, p. 362.

[36] Ibid., ch. 34, p. 324.

[37] Les Fondations, ch. 28, p. 176.

[38] Voir Relations spirituelles, XLV, p. 444

[39] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 34, p. 325.

[40] Voir ibid., ch. 38, pp. 367-369. « Le Seigneur m'a favorisée de beaucoup de visions de ce genre », déclare-t-elle (p. 369).

[41] Ibidem, p. 369.

[42] Voir ibid.,, ch. 23, p. 313, et Relations spirituelles , XXII, p. 427.

[43] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 40, p. 388

[44] Voir ibid., ch. 31, p. 286.

[45] Ibid., ch. 38, p. 366. Le Christ essaie alors de lui expliquer le sens de cette vision grotesque, mais son explication est pour le moins embarrassée et bien peu convaincante : « Il ajouta "qu'il avait permis ceci pour me montrer quelle est la force des paroles de la consécration, et comment si mauvais que soit le prêtre qui les prononce, Dieu ne laisse pas de se rendre présent; c'était aussi pour me faire voir l'excès de bonté qui le porte à se placer entre les mains de son ennemi, uniquement pour mon bien et celui de tous les hommes" ».

[46] Ibid., ch. 39, p. 372.

[47] Voir ibid., ch. 21, p. 282

[48] Voir ibid., pp. 282-283.

[49] Voir ibid., p. 284.

[50] Voir ibid., pp. 282 et 286.

[51] Voir ibid., p. 282.

[52] Ibid., ch. 30, p. 275.

[53] Ibid., ch. 25, p. 234. Voir aussi ch. 31, pp. 286-287 : « D'autres fois, je voyais autour de moi une multitude de démons, mais en même temps je me sentais comme environnée d'une vive clarté qui ne leur permettait pas de m'approcher. Je compris que Dieu me gardait et les empêchait de me porter à quelque péché. Diverses choses que j'ai remarquées en moi, m'ont fait voir la vérité de cette vision. Ce que j'ai parfaitement compris, c'est que les démons ne peuvent rien contre moi quand je ne me mets point en opposition avec Dieu. Aussi, je ne les redoute presque plus. Ils n'ont de force que contre les âmes lâches, qui leur rendent les armes ».

[54] Voir ibid., ch. 32, pp. 295-297

[55] Voir ibid., ch. 25, p. 233 et ch. 29, p. 265.

[56] Voir notamment Le Château intérieur, "sixièmes demeures", ch. 3, pp. 627-628.

[57] On ne saurait mieux faire que de lui appliquer à elle-même ce qu'elle dit des « femmes qui ont l'imagination débile ou qui sont atteintes de mélancolie », et croient avoir des visions : « Il ne faut pas […] les troubler en leur disant que cela vient du démon, mais simplement les écouter comme des personnes malades » (Le Château intérieur, "sixièmes demeures", ch. 3, p. 622).

[58] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 28, p. 252 : « Au reste, une fois la vision passée - mais tout à fait au premier moment - il m'arrivait bien de penser que c'était une chimère ».

[59] Voir notamment Les Fondations, ch. 8, p. 59 : « N'oublions pas que la faiblesse humaine est extrême, spécialement chez les femmes, et qu'elle se manifeste davantage dans ce chemin de l'oraison. Ainsi, à la moindre petite chose que l'imagination nous représente, n'allons pas nous figurer qu'il s'agit d'une vision »; Le Château intérieur, "sixièmes demeures", ch 4, pp. 629 : « je parle de ravissements véritables et non de ces faiblesses de femmes que l'on voit maintenant se produire et qui si facilement nous font crier au ravissement et à l'extase »; voir aussi ibid., p. 632.

[60] Voir notamment Les Fondations, ch. 6, pp. 47-48 : « A force de disciplines et de jeûnes, elle [une religieuse bernardine] en était arrivée à un tel état d'épuisement que toutes les fois qu'elle communiait ou que sa dévotion trouvait à s'enflammer, elle tombait à terre et demeurait ainsi huit ou neuf heures, persuadée, et toutes les religieuses avec elle, que c'était un ravissement. Cela lui arrivait si souvent que, si l'on n'y eût porté remède, il aurait pu, je crois, en résulter un grand mal. Le bruit de ces ravissements s'était répandu dans toute la ville. J'en était peinée, car Notre-Seigneur avait permis que je comprisse ce qu'il fallait en penser, et je me demandais avec crainte comment cela finirait. Le confesseur de cette religieuse, qui avait mon entière confiance me raconta tout. Je lui conseillai de retrancher à la religieuse ses jeûnes et ses disciplines, et de la forcer à se distraire. La religieuse était obéissante, et elle se soumit. Dès que se forces commencèrent à revenir, elle n'eut plus de ravissements »; ibid, ch. 8, p. 59 : « Un confesseur vint un jour me trouver plein d'admiration. Une de ses pénitentes lui affirmait que Notre-Dame venait souvent la visiter, s'asseyait sur son lit, lui parlait pendant plus d'une heure, l'instruisait de l'avenir et de bien d'autres choses encore. Comme, parmi tant de sottises, certains points se trouvaient véritables, tout le reste était regardé comme certain. Je compris aussitôt ce qu'il en était […] En fin de compte, il se trouva que tout n'était que divagation  ». C'est sans doute le fait que la Vierge s'assoit sur le lit que Thérèse d'Avila a tout de suite jugé suspect. Voir aussi ibid., pp. 59-60 : « Il y a quelques années, et bien moins encore, un homme dérouta complètement des gens très doctes et fort spirituels, jusqu'au jour où il entra en relations avec une personne qui avait l'expérience des faveurs divines. Celle-ci reconnut avec évidence qu'il n'y avait dans son fait que folie et illusion; et pourtant, la chose, loin d'être apparente, était encore très obscure. Peu après le Seigneur dévoila toute l'affaire; mais en attendant celle qui avait vu clair eut beaucoup à souffrir, parce qu'on en voulait pas la croire ». Comme le notent les éditeurs, c'est certainement d'elle-même que Thérèse d'Avila parle ici.

[61] Le Château intérieur, "sixièmes demeures", ch. 9, p. 661. Voir aussi ibid. ch. 3, pp. 625-626 : « Il est, en effet, des personnes si débiles de tempérament ou d'imagination - peut-être cela vient-il d'ailleurs - qu'une fois plongées dans ce profond recueillement, elles sont tellement hors d'elles-mêmes, qu'elles ne sentent plus rien à l'extérieur; leurs sens sont aussi comme endormis. Alors, semblables à une personne qui dort - et peut-être sommeillent-elles en effet - elles se figurent entendre comme en rêve, qu'on leur parle. Elles croient même voir certaines choses, qu'elles pensent venir de Dieu Mais finalement, tout cela ne produit pas plus d'effet qu'un rêve ». On le voit, sans s'en rendre compte, Thérèse d'Avila décrit fort bien son propre cas.

[62] On pourrait citer bien d'autres exemples qui montrent que Thérèse d'Avila aime à diagnostiquer chez les autres ce dont elle pourrait trouver en elle-même une parfaite illustration. Voir notamment Les Fondations, ch. 6, p. 45 : « Voyez un fou; est-il frappé par un objet, il n'est plus maître de lui. Incapable d'en détourner son esprit ou de penser à autre chose, il devient insensible à tout raisonnement. C'est qu'il n'a plus d'empire sur sa raison ».

[63] Voir notamment La Vie de sainte Thérèse, ch. 24, p. 222 : « La chose fut si manifeste que je ne pus pas la révoquer en doute  »; ch. 38, p. 368 : «il m'était impossible de douter que la vision ne fût bonne, je veux dire qu'il était clair pour moi qu'il n'y avait point là d'illusion »; Les Fondations, ch. 7, p. 59  : « Croyez-moi, quand c'en est une [vision], elle se fait bien connaître »; ch. 31, p. 202 : « Quant à douter que les paroles qui m'avaient été adressées vinssent réellement de Dieu, cela n'était pas possible ». Si, quand elle croit voir le Christ, elle ne doute pas que ce ne soit bien lui, c'est souvent tout simplement parce qu' « il se présente avec une telle majesté, que nul ne saurait révoquer en doute que ce ne soit le Seigneur lui-même » (La Vie de sainte Thérèse, ch. 28, p. 255).

[64] Voir notamment Relations spirituelles, XXXIV, p. 437 : « quant à une imagination, c'est impossible »; XLV, p. 444 : « et réellement, il en fut ainsi, ce ne peut être une imagination »; Le Château intérieur, "sixièmes demeures", ch. 2, p. 620 : « Que cette faveur ne soit pas imaginaire, cela est de toute évidence, car on aura beau s'ingénier, jamais on ne pourra rien produire qui y ressemble ».

[65] Voir notamment ce qu'elle écrit à propos de ses premières visions du Christ : « Cependant Notre-Seigneur mit tant d'empressement à me renouveler cette faveur et à en montrer la vérité que la crainte de l'illusion ne tarda pas à me quitter. Je reconnus ensuite fort clairement ma simplicité. En effet, quand j'aurais passé de longues années à tâcher de me figurer un objet si beau, je n'aurais eu ni le pouvoir ni le talent d'y réussir, tant sa seule blancheur et son éclat surpassent tout ce qu'on peut imaginer ici-bas » ( La Vie de sainte Thérèse, ch. 28, p. 253); « Que ce soit un effet de l'imagination, c'est de toute impossibilité, c'est entièrement inadmissible, car la seule beauté, la seule blancheur d'une main de Notre-Seigneur surpasse totalement la portée de notre imagination » (Ibid., p. 257). Voir aussi ce qu'elle écrit à propos de la vision où elle croit voir Notre-dame et saint Joseph la revêtir « d'un vêtement d'une éclatante blancheur  » et Notre-Dame lui mettre autour du cou « un magnifique collier d'or, auquel était attachée une croix de grand prix »: « Cet or et ces pierreries sont si différents de ceux d'ici-bas, qu'il n'y a pas à les comparer. C'est une beauté qui surpasse tout ce que nous pouvons nous figurer sur la terre. L'entendement ne peut se faire une idée du tissu de ce vêtement, ni se représenter la blancheur qu'il plaît à Dieu de nous découvrir. Tout ce qui est en ce monde ne paraît plus, par manière de dire, qu'un dessin au charbon » (ibid., ch. 33, p. 312-313). Voir aussi ch. 38, p. 357  : « Pour ne parler que de ce point seulement, la différence est si grande entre la lumière qui frappe nos yeux et celle qui brille dans ce séjour où tout est lumière, qu'il n'y a pas de comparaison à établir. La clarté du soleil ne semble plus ensuite que laideur. Non, l'imagination la plus subtile est incapable de se peindre, de se représenter cette lumière telle qu'elle est, et il en est de même pour tout ce que le Seigneur me dévoilait ainsi de délices souveraines et inexprimables. Tous les sens se trouvent alors dans une telle jouissance et une telle suavité qu'il est impossible d'en donner l'idée ».

[66] Voir Relations spirituelles, LIV, p. 462 : « Je vois une distinction entre les personnes divines, et cela aussi clairement que j'en voyais une hier entre vous mon père [le père Rodrigue Alvarez à qui la relation est adressée], et le provincial [le père Diego de Acosta], quand vous lui adressiez la parole […] Comment cela se fait-il ? Je ne saurais le dire. Ce que je sais fort bien, c'est que ce n'est pas un effet de l'imagination, car j'ai beau ensuite m'épuiser pour revoir la même chose, c'est impossible : j'en ai fait l'essai ». Cette dernière citation est particulièrement intéressante, car, pour prouver qu'elle n'a pas été la victime de son imagination, Thérèse d'Avila invoque le fait même qui, s'il en était besoin, devrait suffire à prouver le contraire. En effet, parce qu'elle est totalement incapable d'expliquer en quoi consiste la distinction entre les personnes divines qu'elle dit avoir vue très clairement, elle en conclut que cette vision n'était pas un effet de son imagination. Si c'était le cas, prétend-elle, son imagination devrait être capable de lui faire voir de nouveau ce qu'elle lui a déjà fait voir. Mais, si elle ne peut pas revoir ce qu'elle voudrait revoir, c'est tout simplement parce qu'elle réalité elle n'a jamais rien vu : son imagination ne lui a rien fait voir du tout; elle lui a seulement fait croire qu'elle voyait.

[67] Voir Relations spirituelles, XXI, p. 427 : « Elle [la Vierge] me parut ressembler un peu au tableau que m'a donné la comtesse, mais je n'eus guère le temps d'en juger, car mes sens se trouvèrent aussitôt suspendus »; voir aussi ibid., XLIV, p. 443 : « Le même soir, comme j'étais à Matines, Notre-Seigneur se plaça entre mes bras, de la même manière que les peintres le peignent dans la représentation de la Ve Douleur de la Sainte Vierge  ».

[68] Comme le note Quercy, « N.S. apparaît sous les traits et dans les attitudes popularisées par la peinture » (op. cit, p. 335).

[69] Lorsqu'elle évoque la première fois où la Vierge lui est apparue, elle note qu'elle lui « parut à peine adolescente » (La Vie de sainte Thérèse, ch. 33, p. 313). Rien d'étonnant à cela puisque les peintres aiment à représenter la Vierge comme une très jeune femme, voire comme une jeune fille.

[70] Loc. cit., Elle nous dit que cette vision la « fit songer à cette parole des Cantiques : Venit dilectus meus in hortum suum ». Mais elle ne songe pas un instant à se demander si ce n'est pas, au contraire, le verset du Cantique des Cantiques, sur lequel elle aime tant à méditer, qui a stimulé son imagination et a inspiré sa vision ?

[71] Citons en seulement quelques lignes  : « L'entrée me parut assez semblable à l'une de ces ruelles très longues et très étroites, ou pour mieux dire, à l'un de ces fours fort bas, obscurs et resserrés. Le sol me faisait l'effet d'une eau fangeuse, extrêmement sale, d'une odeur pestilentielle, et remplie de bêtes venimeuses […] Dans ce lieu pestilentiel, d'où le moindre espoir de consolation est à jamais banni, nul moyen de s'asseoir ni de s'étendre. L'espace manque dans cette sorte de trou pratiqué dans la muraille, car les parois elles-mêmes horribles à voir, semblent vous presser de leur poids. On est étouffé de toutes parts. Point de lumières : ce ne sont que ténèbres profondes. Et cependant, chose inexplicable, dans cette absence de clarté, on perçoit tout ce qui peut affliger la vue » (Ibid., ch. 32, pp. 295-296).

[72] Voir notamment Relations spirituelles, LIV, p. 462.

[73] Voir notamment La Vie de sainte Thérèse, ch. 34, p. 317.

[74] Voir notamment ibid., ch. 39, p. 380 : « Je fus saisie d'un grand ravissement. Il me sembla voir les cieux s'ouvrir, et non plus s'entrouvrir comme d'autres fois. Ce trône que je vous ai dit, mon père, avoir déjà vu, s'offrit alors à mes regards. Au-dessus de ce trône, il y en avait un autre où, sans rien voir, mais par une connaissance que je ne saurais rendre, je compris que siégeait la divinité. Ce second trône me paraissait soutenu par des animaux, dont il me semblait avoir entendu expliquer la signification, et je me demandai s'ils ne représentaient pas les évangélistes. Comment ce trône était-il fait et quel était Celui qui y siégeait, je ne le vis pas. J'aperçus seulement une grande multitude d'anges, qui me parurent surpasser en beauté, sans aucune comparaison, tous ceux que j'avais vus dans le ciel. Je me dis que ce pourraient bien être des séraphins ou des chérubins, car leur gloire est bien supérieure à celle des autres anges ». On notera qu'elle n'est pas capable de dire quels sont les animaux qui soutiennent le second trône. C'est évidemment parce que, si elle se souvient confusément (« dont il me semblait avoir entendu expliquer la signification ») d'avoir appris que chacun des quatre évangélistes étaient représenté par un animal, elle a complètement oublié quels étaient ces quatre animaux. Si elle s'en était souvenu, sa vision aurait sans doute été plus précise.

[75] Comme le remarque Quercy, « la mémoire de Thérèse était toujours "capable" de ses visions, et l'inouï n'est jamais que dans la splendeur, la profondeur ou l'éclat du discours ou du tableau » (op. cit., p. 335).

[76] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 29, p. 263 : « Tandis que Notre-Seigneur me parlait et que je contemplais sa merveilleuse beauté, je remarquais la douceur, parfois aussi la sévérité, avec laquelle sa bouche si belle et si divine proférait les paroles. J'avais un extrême désir de savoir quelle était la couleur de ses yeux et les proportions de sa stature afin de pouvoir en parler : jamais je n'ai mérité d'en avoir connaissance ». Comment ne pas se dire, en voyant qu'elle regrette de ne pas connaître la couleur des yeux de son Bien-aimé pour pouvoir en parler avec ses copines, que cette grande "spirituelle" a vraiment une âme de midinette ?

[77] Voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 28, p. 251 : « Un jour que j'étais en oraison, il plut à ce divin Maître de me montrer seulement ses mains : leur beauté était si merveilleuse qu'il me serait impossible de la dépeindre. Ma frayeur fut très vive, car tout ce qui est nouveau dans les faveurs surnaturelles que Dieu m'accorde m'inspire toujours dans les commencements un véritable effroi. Peu de jours après, je vis aussi son divin visage, et j'en restai, ce me semble, toute ravie. Je ne pouvais comprendre pourquoi Notre-Seigneur se montrait ainsi à moi peu à peu; et par le fait, il devait dans la suite m'accorder la grâce de le voir dans toute sa personne. Plus tard je me rendis compte qu'il avait égard à ma faiblesse naturelle : qu'il en soit à jamais béni ! Effectivement, une créature aussi vile et aussi misérable n'aurait pu supporter tant de gloire à la fois. Ce tendre Maître, qui le savait bien, m'y disposait graduellement ».

[78] Voir Relations spirituelles, I, p. 409 : « Je crois que si ces effets surnaturels n'étaient point de lui [Dieu], il n'aurait pas permis qu'ils allassent toujours croissant ».

[79] On pourrait peut-être en trouver une ou deux autres, mais, je n'ai, quant à moi, relevé que celle-ci : « Un jour que je prenais mon repas et n'éprouvais, aucun recueillement intérieur, mon âme fut saisie d'une suspension et d'un recueillement qui me donnèrent à penser que j'allais avoir un ravissement. La vision suivante s'offrit à moi […] » (Relations spirituelles, XXIX, p. 432).

[80] La Vie de sainte Thérèse, ch. 38, p. 363.

[81] Voir notamment La Vie de sainte Thérèse, pp. 241, 251, 362, 378, 383, 387, 388; Relations spirituelles, pp. 420, 426, 427, 430, 445, 463.

[82] Voir notamment La Vie de sainte Thérèse, pp. 345, 368, 385, 389; Relations spirituelles, p. 443.

[83] Voir notamment La Vie de sainte Thérèse, p. 362.

[84] Voir notamment ibid., pp. 300, 311, 325, 365, 382, 389; Relations spirituelles, pp. 417, 421, 422, 427, 429, 436, 438, 439, 441.

[85] S'agissant des visions du Christ, elle note elle même que « cela arrive spécialement après la communion, à cet instant où nous le savons réellement présent, puisque la foi nous le dit » (La Vie de sainte Thérèse, ch. 28, p. 255). Mais il ne lui vient pas à l'esprit de se dire que c'est précisément parce qu'elle le croit présent dans l'Eucharistie, qu'elle s'autosuggestionne et se figure qu'elle le voit effectivement.

[86] Voir Relations spirituelles, XXII, p. 427 : « Le dimanche des Rameaux, après avoir reçu la communion, je me trouvai dans une si grande suspension d'esprit que je ne pouvais avaler la sainte hostie. L'ayant encore dans la bouche et étant un peu revenue à moi, il me sembla que ma bouche s'était réellement remplie de sang, que ma figure et toute ma personne en étaient couvertes, et que ce sang avait la même chaleur qu'au moment où Notre-Seigneur venait de le répandre  ».

[87] Voir La Vie de sainte Thérèse, pp. 312 et 382 (c'est ce jour-là qu'il lui est donné de voir ce que fut l'Assomption de la Vierge).

[88] Voir Relations spirituelles, p. 439.

[89] Voir ibid., p. 426.

[90] Voir La Vie de sainte Thérèse, p. 360.

[91] Voir ibid., p. 311.

[92] C'est le cas notamment après la mort de Pierre d'Alcantara (voir La Vie de sainte Thérèse, ch. 36, p. 344) ou de Pierre Ibanez (ibid., ch. 38, p. 361).

[93] C'est le cas notamment lorsqu'elle a la vision de son père « qui venait par le chemin, l'air joyeux et le visage tout blanc ». Voir Relations spirituelles, XLV, pp. 443-444.

[94] Op. cit., p. 421.

[95] La Vie de sainte Thérèse, ch. 38, p. 356.

[96] La Vie de sainte Thérèse, ch. 19, p. 174.

 

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